Écrit par The Pleasure Project (le “Projet Plaisir”)
Pour Pleasure Project (le “Projet Plaisir”), une approche basée sur le plaisir est une approche qui célèbre le sexe et la sexualité en mettant à l’honneur la joie et le bien-être qui en découlent. Une telle approche donne une vision positive de la sexualité construite autour des droits ; elle fait la part belle aux plaisirs sensoriel, physique, intellectuel et sensuel pour encourager les individus à comprendre leur corps et leurs désirs, à apprendre à les maîtriser et à y répondre sereinement.
Un programme adoptant une approche basée sur le plaisir aura pour objectifs le bien-être, la sécurité, le plaisir et la joie. Sous cette approche, l’émancipation, la liberté d’action et l’autonomie des personnes pour tout ce qui touche à la sexualité, aux désirs et au plaisir se mesure en fonction de leur aptitude nouvelle à comprendre ce qu’elles veulent, à le demander et à l’attendre des autres.
Les programmes d’éducation à la sexualité et de santé sexuelle ont généralement pour objectifs de transformer les normes de genre ou les normes sociales relatives à la sexualité et de faire évoluer les comportements nocifs, discriminatoires et non-inclusifs. A cet égard, une multitude d’études et de publications démontre l’efficacité des programmes de santé sexuelle qui réhabilitent le plaisir. Il est démontré que des messages positifs sur le sexe et une vision positive de la sexualité s’accompagnent d’une amélioration des comportements et des connaissances en matière de santé sexuelle, d’une meilleure communication entre partenaires, de progrès dans l’affirmation de soi, d’un recours plus fréquent aux moyens de contraception et de prévention des maladies sexuellement transmissibles (MST) et d’un recul des comportements sexuels à risques (voir The Pleasure Project, 2008; Ford et al., 2019).
L’importance du plaisir dans le bien-être sexuel et reproductif est de plus en plus reconnue. Une multitude d’organisations et de programmes de par le monde a choisi d’intégrer à son travail des approches positives de la sexualité et des messages qui redonnent sa juste place au plaisir.
Tant en Asie qu’en Afrique ou en Amérique latine, on trouve de nombreux exemples d’organisations issues des communautés et d’organisations non gouvernementales (ONG) locales qui ont adopté des messages évoquant le plaisir pour renforcer leur action autour de la prévention du VIH, de la sexualité des adolescent·e·s ou de la santé sexuelle des femmes.
Les acteurs de l’éducation complète à la sexualité (ECS) manquent de preuves quant à l’impact et aux résultats qui découlent de l’adoption d’une approche positive réhabilitant le plaisir dans des contextes socio-culturels où le sexe et la sexualité sont passés sous silence et/ou où des restrictions politiques brident les discussions à ce sujet par les jeunes et les adolescent·e·s, même dans le cadre de programmes d’éducation à la sexualité.
C’est pourquoi, dans le cadre du projet Get Up Speak Out (GUSO) [Levez-vous et osez parler], mené par Rutgers, des chercheur·euse·s de l’Alliance pour la Santé Sexuelle et Reproductive du Kenya, de l’Alliance du Ghana et de Pleasure Project ont mis au point le cadre du « plaisiromètre » pour mesurer le degré de positivité des programmes d’éducation à la sexualité proposés par des organisations non gouvernementales (ONG) locales au Kenya et au Ghana.
Cette étude pilote cherchait à savoir comment procéder pour évaluer les messages éducatifs réhabilitant le plaisir, et s’il était possible de développer un « détecteur de plaisir » : un outil qui, mis à la disposition des organisations et programmes, leur permettrait de savoir dans quelle mesure ils ont réussi à mettre en place une approche positive reconnaissant le plaisir, et comment continuer à l’améliorer.
Les équipes de recherche au Kenya et au Ghana ont étudié les cursus, interrogé les éducateur·rice·s et médiateur·rice·s, organisé des groupes de discussion avec les jeunes et observé le déroulement des sessions d’ECS.
Il ressort de l’étude que les jeunes s’interrogent sur :
Les jeunes en quête d’information cherchent des réponses sur internet, tombent sur des sites porno ou s’engagent dans des discussions « sexy » avec des inconnu·e·s sur les réseaux sociaux. Or, l’ECS qu’ils et elles reçoivent ne suffit pas à les aider à bien gérer ces rencontres risquées en ligne.
L’étude a par ailleurs décelé une forme de déviance positive chez certain·e·s éducateur·rice·s, qui parlent en termes positifs de la sexualité et sont prêt·e·s à entendre la réalité de la vie sexuelle de leurs élèves et à tenir des discussions sincères, explicites et détaillées sur la sexualité et les relations. Celles et ceux qui ont appris à contourner les normes socio-culturelles restrictives et les interdits formels qui entourent ces sujets « sensibles » ont pu constater que les résultats les plus probants s’obtiennent en donnant aux jeunes des informations claires sur l’usage des préservatifs, les façons sûres d’avoir des relations sexuelles et les différentes façons de satisfaire ses désirs – en s’assurant parallèlement que les jeunes acquièrent les aptitudes et la liberté dont ils et elles ont besoin pour prendre leurs propres décisions.
Adopter une perspective positive sur le sexe ou une approche qui réhabilite le plaisir n’est pas l’affaire d’une journée. Pour les éducateur·rice·s, les professionel·le·s de la santé sexuelle et les autres acteurs des programmes axés sur l’éducation à la sexualité, la santé et les droits, cela revient à prendre le contrepied des normes socio-culturelles dominantes qui régissent implicitement la sexualité et le genre. Ils et elles ont besoin pour y parvenir d’un soutien technique sur le long terme qui renforce leurs capacités à se positionner positivement sur la sexualité.
Le « plaisiromètre » décompose le concept de « plaisir » en sept facteurs qui contribuent à rendre une expérience sexuelle positive et significative, qu’elle ait lieu avec un·e (des) partenaire(s) ou individuellement :
Il s’est révélé plus facile pour les éducateur·rice·s de parler de ces sept facteurs que de discuter d’emblée de la positivité en matière de sexe. Les membres de l’équipe de recherche n’ont pas rencontré de réaction de rejet en utilisant cette approche.
Pour dispenser une éducation à la sexualité réellement complète, en phase avec les besoins des jeunes, il est essentiel que les éducateur·rice·s soient capable de distinguer leurs valeurs personnelles des informations à apporter. Les formateur·rice·s donnant une vision positive de la sexualité sont celles et ceux qui ont examiné et rejeté certaines des croyances socio-culturelles dans lesquelles ils et elles ont été élevé·e·s, y compris des normes et préjugés liés au genre. Ils et elles ont également accepté l’idée que les jeunes puissent avoir une vie sexuelle. Ce cheminement est le fruit de formations successives, de discussions fréquentes avec des personnes progressistes autour des normes socioculturelles régissant la sexualité, et de l’expérience ou l’observation de phénomènes tels que les violences sexuelles, les grossesses à l’adolescence et leurs conséquences, le désir sexuel et l’épanouissement qui résulte d’une relation heureuse.
Parallèlement à ses recherches, ses publications et ses campagnes autour du plaisir et d’une vision positive de la sexualité, le site internet de Pleasure Project propose une boîte à outils à l’attention des formateur·rice·s pour aider celles et ceux qui adoptent pour la première fois une approche ouverte au plaisir et aux aspects positifs de la sexualité.
Le Projet Plaisir a été créé dans le but de rendre la sexualité sécurisée “sexy”. Le Projet Plaisir a créé des ponts entre le monde de la santé publique et de l’industrie du sexe, y compris les producteurs de films pornographiques et les spécialistes du marketing pour les préservatifs. Au cours de cette aventure, le Projet Plaisir a, et continue, de faire des progrès et de constituer une base de preuves autour de la création de messages promouvant une activité sexuelle plus sûre et la prévention du VIH basée sur le plaisir. Le Projet Plaisir a également permis de mettre en lumière les connexions entre le plaisir et l’égalité de genre, les droits des femmes et, de manière plus générale, la santé mentale et le bien-être. L’organisation a travaillé à améliorer la manière dont la communauté de santé dans son ensemble communique sur une sexualité plus sûre aux personnes de tous les âges à travers le monde.