Écrit par Jess-Alfred Nondho Ombenny, GVP-MASAR, DRC
Au Sud Kivu, une région de RDC déchirée par des conflits, le viol continue d’être utilisé comme arme de guerre. De nombreuses femmes subissent une situation qui les amène à rechercher des services d’avortement. Or les croyances religieuses et traditionnelles condamnent l’interruption volontaire de grossesse et posent un problème majeur en termes de normes sociales entourant l’accès à l’avortement. Le recours à l’avortement est fortement stigmatisé, ce qui rend quasiment impossible une discussion ouverte à ce sujet avec les chefs religieux et traditionnels et les autorités locales.
Pour surmonter les normes sociales hostiles à l’avortement, nous avons adopté une approche stratégique multi-facettes, appuyée sur la méthodologie CVTA (Clarification des Valeurs et Transformation des Attitudes). Tout d’abord, nous avons recueilli des informations auprès des membres de la communauté, en organisant des réunions pour appréhender leur point de vue sur l’avortement, afin de mieux comprendre les enjeux. Nous avons ensuite analysé les publications disponibles sur l’état des lieux de l’avortement et réuni des données sur les taux d’avortement à risques en RDC.
Forts de ces informations, nous avons entrepris d’approcher les personnalités influentes pour faire connaître les faits et données sur l’avortement à risques, les conséquences des avortements clandestins et à risques, et les bénéfices d’un accès légal et sûr à l’avortement, tant au niveau individuel que sociétal.
Tout d’abord, nous observons un recul marqué de la stigmatisation des femmes et jeunes filles qui ont recours à des services sécurisés d’avortement.
Deuxièmement, la majorité des comités communautaires que nous avons organisés pour faire connaître les services existants d’avortement et de prise en charge post-avortement reçoit la visite de membres de la communauté, notamment des femmes et jeunes filles.
Troisièmement, notre travail pour faire évoluer les normes sociales grâce à la méthodologie CVTA a amené un changement de comportement des personnalités auprès desquelles nous travaillons. Elles se rallient progressivement à notre plaidoyer et nous soutiennent pour sensibiliser d’autres personnages influents au bien-fondé de l’accès à l’avortement sécurisé.
Enfin, notre organisation s’est faite connaître comme acteur de référence dans la mise en œuvre de la méthodologie CVTA.
Les supports de formation CVTA ont été d’une aide inestimable pour sensibiliser les personnages influents à l’importance et au bien-fondé de l’avortement sécurisé. Nous avons appris que la création d’espaces de dialogue sur un sujet aussi tabou que l’avortement, sous forme de comités communautaires, est efficace pour faire changer les comportements et reculer la stigmatisation.
Fondamentalement, nous avons appris que le dialogue entre pairs est une dimension décisive de la dédramatisation d’un enjeu qui permettra de surmonter la stigmatisation et les tabous. Des normes sociales profondément ancrées, défendues par des chefs religieux et traditionnels, peuvent être renversées en présentant des faits et données sur le recours à l’avortement clandestin/à risques par la communauté ou ses pairs.
Oui, nous avons utilisé le support de formation CVTA développé par IPAS. Nous nous sommes également appuyés sur des publications d’IPPF et des consultant·e·s externes. Nous avons envoyé des collaborateur·rice·s et facilitateur·rice·s à des formations CVTA.
Jess-Alfred est Coordinateur de projet pour le Groupe de Volontaires pour la Promotion de la Maternité sans Risques (GVP-MASAR) en RDC. Jess-Alfred est obstétricien et titulaire d’un Master en épidémiologie. Il coordonne également l’initiative de GVP-MASAR sur le VIH/SIDA au Burundi et en République Démocratique du Congo (RDC). Jess-Alfred a également à son actif un diplôme universitaire dans le domaine de la prise en charge des personnes vivant avec le SIDA et des femmes marginalisées.