Guide pratique : transformer les normes sociales parmi la population masculine

Écrit par Nega Wedajo, Siiqqee Women’s Development Association (SWDA), Ethiopia

Pourriez-vous décrire une situation dans laquelle votre organisation ou projet est parvenu à surmonter un défi en s’employant à transformer les normes sociales?

Pour encourager l’émancipation des femmes et jeunes filles, Siiqqee Women’s Development Association (SWDA) agit pour transformer les attitudes à leur égard. Nous pensons qu’en faisant évoluer les attitudes, nous parviendrons à des résultats plus solides. En étudiant les obstacles à l’émancipation des femmes, nous avons eu le sentiment qu’il serait indispensable de travailler auprès des hommes et garçons pour soulever différents problèmes sociaux et remonter aux causes profondes du problème. Si les femmes et jeunes filles sont les victimes de la marginalisation, cela signifie que le problème vient de la population masculine et c’est à ce niveau que nous avons décidé d’agir.

Comment avez-vous abordé ce problème et quels changements cela a-t-il entraîné?

Nous avons commencé par réaliser une analyse contextuelle pour mieux connaître la communauté, ses caractéristiques ethniques, culturelles, démographiques, socio-économiques et d’autres informations vitales, en travaillant en étroite collaboration avec le gouvernement dans les kebeles.

Notre mode opératoire passe par des « Conversations Communautaires » (CC), parallèlement à l’intervention de facilitatrices dans les communautés. Nos intervenantes communautaires sont exclusivement des femmes, dans le but de montrer que les femmes sont capables d’être des leaders. Nous choisissons des cibles influentes auprès de l’opinion – les hommes et les jeunes auprès desquels nous travaillons sont respectés dans leur communauté. Nous les guidons pour qu’ils diffusent le message dans différents espaces collectifs, par exemple sur les places de marché. Leur position au sein de la communauté renforce l’efficacité des CC.

Quels résultats avez-vous obtenus?

Encouragés à discuter entre eux, lors des CC, des problèmes dont souffrent les femmes et jeunes filles, les hommes et garçons parviennent à identifier les normes sociales qui devraient évoluer. Grace à cela, des règles ont été adoptées pour atténuer les comportements rétrogrades, après avoir consulté les Anciens sur les propositions. Le changement à long terme pour lequel milite SWDA est un recul de la violence basée sur le genre (VBG) – en effet, du même coup, la communauté percevrait mieux l’importance de l’éducation des filles et de l’émancipation économique des femmes.

Qu’avez-vous appris de cette expérience?

Nous constatons qu’intervenir au niveau d’une communauté ne suffit pas – il faut travailler auprès de groupes plus larges. Nous allons donc introduire des CC dans les écoles pour les garçons. Maintenant, nous comprenons mieux comment calibrer les CC pour parvenir à un changement : chaque personne devrait participer à au moins trois CC, plus une quatrième qui reviendrait sur ce que les trois premières ont permis d’apprendre. Nous percevons également le besoin d’un corpus organisé et écrit afin d’assurer la cohérence des messages diffusés par les facilitatrices.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui serait dans une situation similaire?

  • Concentrez-vous sur les causes des problèmes, pas les problèmes eux-mêmes, et travaillez activement à impliquer les personnalités et leaders de la communauté.
  • Bien comprendre la culture dans laquelle vous intervenez rendra votre public plus réceptif.
  • Utilisez la bonne approche de communication – celle de l’« observation des participants ». Par exemple, prenez vos repas avec la communauté et imprégnez-vous de la culture locale, ou utilisez comme relais une personne issue de la communauté.
  • Adoptez une approche de « curiosité appréciative » : ne commencez pas par un jugement négatif sur la culture, engagez des bénévoles instruits issus de la communauté. Si vous travaillez auprès des femmes, appuyez-vous sur des facilitatrices, pour montrer à votre public que les femmes peuvent jouer un rôle pilote au sein de la communauté et au service d’une cause.
  • Des groupes mixtes hommes-femmes ne sont pas forcément efficaces, envisagez la possibilité de groupes séparés.

Nega Wedajo, Siiqqee Women’s Development Association (SWDA), Ethiopia

Je suis Nega Wedajo. J’ai travaillé pour différentes organisations gouvernementales, confessionnelles et ONG, à des postes variés, dans plusieurs régions d’Ethiopie. Depuis Novembre 2014, je travaille pour Siiqqee Women’s Development Association (SWDA), Ethiopia, une organisation militant pour l’émancipation des femmes, où je suis actuellement experte en Suivi & Evaluation. Mon travail pour Siiqqee consiste entre autres à concevoir des projets de soutien aux femmes pauvres et marginalisées des zones rurales pour leur donner accès à l’épargne villageoise et au crédit, grâce à une approche d’aide entre pairs. Le projet s’attache aussi à les former à des compétences entrepreneuriales de base pour qu’elles soient en mesure de créer leur petite entreprise. J’apporte également un appui technique au personnel travaillant sur le terrain dans les zones rurales auprès des femmes pauvres, en ce qui concerne l’approche et la réponse aux problèmes sociaux, la collecte de données de terrain et l’analyse des rapports, et la mesure des résultats de la mise en œuvre d’un projet. Mon travail m’a aidée à appréhender et comprendre les besoins divers et complexes des êtres humains et la portée de mes responsabilités.

http://www.siiqqee.org/