Guide Pratique : transformer les normes sociales en utilisant la radio et d’autres médias

Écrit par Mbathio Diaw Ndiaye, RAES, Senegal

Pourriez-vous décrire une situation dans laquelle votre organisation ou projet est parvenu à surmonter un défi en s’employant à transformer les normes sociales?

RAES se veut un leader de la mise en œuvre de projets de mobilisation sociale et politique pour les Droits et la Santé Sexuels et Reproductifs (DSSR) des jeunes et des femmes en Afrique de l’Ouest francophone. L’utilisation de différents types de médias est au centre de notre mode de travail dans les domaines de la santé et de l’éducation. Nous passons par la radio, le cinéma et les réseaux sociaux pour éduquer et informer nos différents groupes cibles sur des enjeux de santé et de bien-être, et pour changer les normes sociales en incitant chacun·e à agir, par exemple en recherchant des services de DSSR. Nous avons constaté que le recours aux médias est une bonne solution pour ouvrir le débat sur des sujets qui pourraient être tabous dans certaines communautés. En revanche, nous avons été confronté·e·s à un défi dans la formulation de nos messages lorsque nous nous appuyions uniquement sur des rapports existants, et manquions de données probantes sur les sujets qui nous intéressent. Nous avions besoin de recherche sociologique de bonne qualité et d’analyses de données fiables pour pouvoir aborder efficacement les questions de DSSR dans les médias.

Comment avez-vous résolu ce problème et quels changements cela a-t-il entraîné?

Pour produire du contenu médiatique efficace en matière de normes sociales, l’étape décisive était de réaliser des recherches approfondies et de qualité. Pour notre projet actuel, C’est la Vie  – un projet multimédia de changement des normes sociales dans le domaine des DSSR-, nous avons réalisé des recherches dans huit pays d’Afrique de l’Ouest. Nous nous sommes alors appuyé·e·s sur ces résultats pour développer des messages clé, que nous avons testés lors de groupes de discussion, où nous recherchions toujours la parité. C’est seulement ensuite que nous avons commencé à produire nos contenus. Nous avons sélectionné le format médiatique le plus adapté en fonction du pays où nous voulions travailler : dans certains pays les films sont le vecteur le plus efficace, tandis que dans d’autres il vaut mieux privilégier la radio, du fait de l’importance de la population rurale. Nous avons également adapté le message en fonction du pays ou de la région.

Quels résultats avez-vous obtenus?

Nous avons produit des contenus qui peuvent être adaptés à différents pays ou différents formats. C’est la Vie est actuellement déployé dans 11 pays, et nous constatons que le projet parvient à ouvrir le débat sur des sujets tabous et créer un espace de discussion. Nous avons pu susciter une large mobilisation sur les réseaux sociaux (22 000 followers sur YouTube et 187 000 sur Facebook). La phase de mise en œuvre est encore en cours, mais nous pensons à mandater une évaluation pour savoir dans quelle mesure notre programme a abouti à l’adoption de services de DSSR.

Qu’avez-vous appris de cette expérience?

Nous avons appris qu’il est crucial de s’appuyer sur des recherches de qualité. Nous avons connu des échecs lors de la première phase du projet, où nos messages n’étaient pas bien reçus par certains groupes cibles, car nous nous étions trop concentré·e·s sur le profilage d’un groupe pour une campagne à l’échelle nationale. Nous avons appris l’importance de comprendre son groupe cible et d’adapter son message.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui serait dans une situation similaire?

  • Faire réaliser des recherches informatives, soit en interne si vous disposez de l’expertise nécessaire, soit en les confiant à des acteurs de la recherche ;
  • Etudiez les spécificités techniques du média pour lequel vous développez votre message. Par exemple, une série télévisée ne devrait pas dépasser 26 minutes par épisode ; tandis qu’une émission radio est plus efficace si elle dure entre 10 et 20 minutes ;
  • Donnez à vos téléspectateurrice·s ou auditeur·rice·s l’opportunité de participer activement pendant ou après l’émission, par exemple en offrant la possibilité de téléphoner pour commenter ou poser des questions ;
  • Pour un programme radio, soyez attentifve au choix de la station, du programme et de l’animateur·rice ; et renseignez-vous au préalable sur les mesures d’audience, le profil des auditeur·rice·s et les langues utilisées ;
  • Chaque fois que possible, partagez votre expérience sur des plateformes régionales et internationales pour apprendre et améliorer vos contenus.

Mbathio Diaw Ndiaye, RAES, Senegal

Mbathio est directrice exécutive de RAES, une ONG qui met à profit les médias, combinés à l’action au sein des communautés, pour déployer des programmes d’information et sensibilisation dans les domaines de la santé, l’éducation et la citoyenneté. Mbathio veille à la qualité des programmes et au respect des principes d’action de RAES (s’engager, analyser, écouter, collaborer, innover, plaider, partager) lors de la mise en œuvre des projets. Mbathio est une activiste féministe engagée au quotidien pour améliorer les conditions de vie des femmes.

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