Comment venir en aide aux victimes de VBG pendant le confinement

Écrit par Talent Jumo, Katswe Sistahood, Zimbabwe

Ce guide a été rédigé en 2020 en réponse à la pandémie de COVID-19.

Certaines des informations ne seront pas aussi pertinentes pour la situation actuelle, mais nous pensons que ce guide offre des conseils utiles aux défenseur·euse·s des DSSR.

Pouvez-vous décrire dans quel contexte votre travail a fait appel à ces connaissances?

Une femme sur trois est exposée à une forme ou une autre de violence basée sur le genre (VBG) au cours de sa vie. La plupart du temps, l’auteur est leur partenaire intime ou un membre de la famille. Une situation d’urgence comme celle provoquée par la COVID, qui oblige les gens à compter sur leur famille, signifie aussi que des dizaines de filles se retrouvent enfermées avec celui qui les maltraite. Des filles victimes d’abus sexuel au début du confinement n’ont pas eu accès à l’aide immédiate à prendre dans un délai de 72 heures, comme la contraception d’urgence ou les prophylactiques post-exposition en prévention du VIH. En outre, pendant le confinement, certaines victimes n’ont pas la possibilité de se rendre à la police pour porter plainte ou sont systématiquement renvoyées chez elles si elles tentent de le faire.

Qu’avez-vous découvert sur les défis qui attendent les activistes dans une telle situation?

Nous faisons partie d’un réseau national de signalement des violences basées sur le genre, qui s’étend également à des communautés rurales et à des zones d’urbanisation informelle avec une forte densité de population à faibles revenus. Katswe a géré huit cas de violences sexuelles dans le même district au cours des quatre premières semaines de confinement, sans compter les cas non signalés par manque d’argent pour les communications et le transport.

La pauvreté aggrave la vulnérabilité. Dans l’une des communautés que nous couvrons, notre conseillère a reçu 14 demandes de traitement contre les maladies sexuellement transmissibles (MST) en une semaine, toutes de la part de filles très jeunes. Les adolescentes et les femmes de ces ménages pauvres sont des proies faciles pour les prédateurs sexuels, ce qui s’accompagne d’une recrudescence des infections par des MST, des grossesses à l’adolescence et des mariages d’enfants.

Comment avez-vous abordé ces défis – et avec quels résultats?

Nous pensons que si les victimes de VBG reçoivent une aide humanitaire et ont accès à des services locaux de suivi post-VBG et à des opportunités économiques, il sera plus facile de prévenir et atténuer les effets des pics de VBG qui suivent les situations d’urgence.

Notre action inclut :

1) une aide humanitaire pour atténuer la souffrance

2) une intervention directe pour assurer la sécurité et la protection des victimes

2) du plaidoyer pour sensibiliser et promouvoir les droits

3) des actions de construction de la résilience pour faciliter le retour à la normale après la crise.

Notre principal travail a consisté à fournir une aide d’urgence immédiate aux victimes de violences, comprenant le nécessaire à leur dignité et la prise en charge des transports pour se rendre à la police, à l’hôpital et au tribunal. Nous avons amélioré notre gestion des cas de VBG pour agir efficacement en situation de crise.

Nous poursuivons également notre réseau de soutien mutuel Pachoto. A travers des discussions en ligne hebdomadaires, nous recueillons en permanence les récits de femmes basés sur leur vécu pendant le confinement. Tous révèlent l’impact exacerbé de la détresse économique provoquée par la pandémie.

En réponse à cela, nous sommes en train de monter un Programme d’Emancipation Economique pour faire face à la pauvreté urbaine (et améliorer les conditions de vie des filles en milieu rural) qui comprendra, sur la base des besoins, l’apprentissage de compétences professionnelles et des sessions d’information pour les femmes et les filles. Il sera destiné en particulier aux mères et épouses adolescentes, et aux jeunes filles contraintes à la prostitution pour pouvoir acheter le minimum vital pour elles-mêmes et leur famille. Le programme pourra également couvrir les compétences pratiques de base et des compétences entrepreneuriales.  

Notre plaidoyer face aux VBG consiste également à aller au-devant des femmes dans le besoin, grâce à un véhicule aménagé, qui a sillonné pendant trois semaines les zones urbaines pauvres et densément peuplées. Nous avons peint sur le camion, et diffusé par haut-parleur, des messages de prévention de la COVID-19 auxquels nous mêlions des informations sur l’aide disponible en matière de santé sexuelle et reproductive et face aux VBG survenant à la faveur du confinement. Nous avons peint sur le camion les numéros des hotlines à contacter en cas de viol, de VBG ou d’enfance en danger ; et avons diffusé des messages expliquant où trouver de l’aide et même des solutions de transport si besoin.

Nous collectons également des données sur l’impact de la COVID-19 sur l’accès des filles et des jeunes femmes à l’éducation et à la santé sexuelle et reproductive.

Quelles ont été les leçons de cette expérience pour vos activistes?

Les partenariats sont décisifs pour mettre au point des réponses efficaces aux enjeux de DSSR dans une situation d’urgence.

Nos partenariats dans le domaine des services mobiles ont permis d’intégrer la communication sur les droits et la santé sexuels et reproductifs et le soutien aux victimes de VBG parmi les aspects essentiels de la réponse d’urgence à la COVID-19.

Dans une crise de l’ampleur de celle que nous traversons, les activistes doivent tout faire pour ne pas perdre l’objectif des yeux et rester concentré·e·s sur les indicateurs d’égalité et d’équité entre les sexes. Leur action est vitale pour que les femmes et les filles ne se voient pas privées de leurs droits fondamentaux : la sécurité, la sûreté, la dignité et l’accès aux services essentiels, y compris à la justice si leurs droits sont bafoués. 

Talent Jumo, Katswe Sistahood, Zimbabwe

Talent Jumo était initialement une enseignante particulièrement intéressée par les femmes et la santé. En 2005, elle devient la Référente Genre du Programme VIH du Groupe de Travail Communautaire pour la Santé, avant de cofonder en 2007 Young Women’s Leadership Initiative (« Initiative pour le Leadership des Jeunes Femmes »), qui deviendra par la suite Katswe Sistahood. A la tête de Katswe Sistahood depuis 2012, Talent s’engage pour promouvoir les droits des femmes et les familiariser avec la santé sexuelle et reproductive. Elle est également membre de Women for the Global Fund (Femmes pour le Fonds Mondial).

Site de web de Katswe Sistahood