Écrit par Mohamed Abdullahi Guleid, Directeur Exécutif, SOYDAVO, Somaliland
Au Somaliland, les pratiques et croyances traditionnelles et néfastes qui engendrent des violences envers les femmes et les filles sont toujours d’actualité. C’est le cas entre autres des Mutilations Génitales Féminines (MGF) et des mariages précoces. Cette violence est en grande partie ancrée dans la culture traditionnelle du pays. Aussi, remettre en question ces pratiques, c’est toucher à la culture et aux croyances des gens. Il est crucial de comprendre comment les communautés sont structurées. Au Somaliland, il existe des tribus et clans, chacun sous l’autorité d’un Ancien ou d’un chef local appelé « Aquil ». Les Aquils sont des leaders puissants et influents dont les paroles et actions sont très respectées par les communautés.
Conscient·e·s du rôle des chefs coutumiers dans les communautés, nous avons identifié les chefs influents de chaque village et les avons sensibilisés aux Mutilations Génitales Féminines (MGF) et aux Violences Basées sur le Genre (VBG) en utilisant des supports élaborés au cas par cas, inspirés du Coran et des enseignements du Prophète Mohamed. Cela nous a aidé à les convaincre et à gagner leur confiance. Les personnalités locales ralliées à notre cause se sont par la suite révélées être des parties prenantes clé lors des réunions consultatives autour des lois contre les MGF et le viol au niveau national et régional. La loi contre le viol a finalement été signée et promulguée par le Président. Notre engagement auprès des Anciens des clans ne s’arrête pas à ces réunions consultatives : nous nous assurons que les équipes du projet reviennent vers eux régulièrement et leur fassent part de nos activités et projets.
Notre choix d’approcher les chefs coutumiers pour les impliquer dans la mise en œuvre de notre projet VBG s’est révélé efficace. Les populations ont commencé à accepter l’idée que les VBG et les MGF n’ont pas leur place dans notre culture, ni dans l’Islam. Notre collaboration avec les chefs villageois et coutumiers nous a aussi aidés à gagner l’acceptation et le soutien des communautés.
Au début, cela a demandé des décisions difficiles et beaucoup de travail. Par exemple, discuter de questions de genre, de MGF et de VBG avec des communautés rurales qui ne sont jamais allées à l’école représente un véritable défi. Parfois, nous avons été chassé·e·s du village par les Anciens et certains habitants. Malgré ces coups durs, nous avons décidé de ne pas laisser la volonté de quelques individus faire obstacle à l’amélioration de la situation des victimes de VBG/MGF. Nous avons aussi eu foi en notre conviction qu’il est possible de faire évoluer les communautés, même lorsque tout semble contre nous. Grâce à cet état d’esprit, SOYDAVO a abordé plus sereinement le défi que représente la plupart du temps le travail avec les chefs coutumiers au sein des communautés.
Le déploiement de projets VBG en Afrique et ailleurs dans le monde est complexe parce que ces activités cherchent à transformer les attitudes. Voici mes conseils pour une organisation qui met en œuvre ou voudrait mettre en œuvre ce type de projets:
Après avoir géré avec succès l’un des principaux projets de SOYDAVO dans le domaine des Violences Basées sur le Genre, Mohamed Guleid a été promu Directeur Exécutif de l’organisation en 2016. A son précédent poste de Responsable de Projet, Mohamed a développé de solides compétences et expériences de travail avec les chefs coutumiers. Mohamed Guleid est un ancien étudiant du prestigieux programme de formation NNPHL (Programme National des ONG sur le Leadership Humanitaire) et de l’Initiative YALI (Initiative des Jeunes Leaders d’Afrique) ; il est également membre du Conseil Consultatif du Consortium des ONG du Somaliland.