Comment transformer les normes sociales à travers la communication parents-enfant

Écrit par Constance Kekihembo, Centre for Disability and Rehabilitation (CDR), Uganda

Pourriez-vous décrire une situation dans laquelle votre organisation ou projet s’est trouvé confronté à des défis, que vous avez surmontés en agissant sur les normes sociales?

CDR Ouganda déploie actuellement un projet sur les droits et la santé sexuels et reproductifs (DSSR) bénéficiant à 400 jeunes filles sourdes. Au cours de la mise en œuvre, nous avons été confronté·e·s à des normes sociales génératrices d’exclusion, de discrimination et marginalisation, qui affectent tant les jeunes filles que leur famille et leurs parents. Du fait de ces normes, ces jeunes filles sont mises à l’écart, dépossédées du pouvoir de décision et de leurs droits sexuels, et privées d’accès aux services de santé. De telles normes sociales sont une forme d’asservissement des jeunes filles souffrant de surdité, en violation de leurs DSSR. Nous avons également observé que les professionnel·le·s de santé ont des attitudes négatives à leur égard, et ne parviennent pas à nouer une communication efficace avec elles.

Comment avez-vous abordé ce problème et quels changements cela a-t-il entraîné?

A travers ce programme de sensibilisation, le CDR encourage les parents de ces jeunes filles sourdes à les laisser prendre des décisions indépendantes en matière de droits et santé sexuels et reproductifs.  Nous avons formé les jeunes filles, des parents et des professionnel·le·s de santé aux principaux enjeux de santé reproductive, et proposé des conseils de communication parents-enfant. Nos ateliers au plus près des communautés nous permettent non seulement de sensibiliser les parents de ces jeunes en situation de handicap aux DSSR, mais aussi de les orienter vers des services spécialisés. Les cercles de parents que nous avons créés se sont révélés particulièrement efficaces pour venir à bout des attitudes négatives et restaurer la confiance.

Quels résultats avez-vous obtenus?

Nous sommes entrain de développer un glossaire de langue des signes, qui complètera les exercices de sensibilisation.

Nous avons observé que le dialogue, la diffusion d’information et la formation des parents sont des vecteurs puissants de changement des mentalités. Le dialogue communautaire constitue une approche efficace pour révéler les stéréotypes et les normes sociales discriminatoires. Nous avons placé les jeunes filles sourdes bénéficiaires du programme en position d’ambassadrices pour la promotion des attitudes positives, afin qu’elles puissent partager leurs expériences réussies.

Enfin, nous demandons aux responsables politiques de clarifier au niveau politique l’enjeu de l’accès à la contraception pour les jeunes filles souffrant de surdité.

Que vous a appris cette expérience?

Nous avons tout d’abord remarqué que des lacunes de connaissances, parmi les filles sourdes elles-mêmes, leurs parents, les communautés et les prestataires de services, nuisaient à la diffusion d’information en matière de santé reproductive. Aussi l’équipe de programme s’est mobilisée pour développer des conseils de communication. Nous nous sommes également orienté·e·s vers des supports plus visuels et pictographiques à l’appui de notre communication en langue des signes. Nous avons enfin découvert comment approfondir notre engagement en allant à la rencontre des parents à travers des cercles d’échange.  

Nous avons observé que certaines normes sociales et pratiques évoluent, grâce aux progrès des connaissances et de l’information sur leurs effets pervers, tandis que d’autres normes persistent en raison de systèmes de valeurs profondément enracinés ou parce que les gens ne croient pas au changement. La subordination des jeunes filles sourdes, réduites à un rôle reproductif et privées d’opportunités de s’exprimer, reste une réalité. Les communautés ont besoin de temps pour accepter le changement, et c’est grâce à un engagement continu que nous parvenons progressivement à travailler avec des individus qui étaient tout d’abord sceptiques sur la possibilité de surmonter des normes sociales nocives.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui serait dans une situation similaire?

  • Respectez les familles et leurs décisions. C’est leur droit – chercher à leur imposer un point de vue ferait obstacle à la communication.
  • Les familles peuvent avoir des attentes démesurées (vous êtes peut-être les premier·ère·s à leur venir en aide) : veillez à ce que vos objectifs et calendrier soient bien compris, et soyez clair·e·s sur ce que vous comptez faire.
  • Chaque famille est unique, prenez le temps d’observer et de créer des liens.
  • Recherchez le consentement de l’enfant et impliquez-le/la dans le processus de décision ; les DSSR sont une question de droits.
  • La communication ne se résume pas au langage ; intéressez-vous au langage corporel, aux contacts visuels, à la voix, au sourire, etc.

Nous aimerions avoir de vos nouvelles:

Ce guide vous a-t-il été utile ? Est-il facile à comprendre ? Avez-vous utilisé ces conseils et obtenu des résultats? Veuillez partager vos réflexions avec nous dans la section Aider et Contribuer, ci-dessous.

Constance Kekihembo, Centre for Disability and Rehabilitation (CDR), Uganda

Constance Kekihembo est Présidente du Centre Handicap et Réhabilitation (CDR, Centre for Disability and Rehabilitation) Ouganda – une organisation de parents militant pour l’accès des jeunes en situation de handicap à l’information en matière de santé sexuelle et reproductive.

Constance a plus de vingt ans d’expérience dans le domaine du handicap et des droits, dans lequel elle a travaillé en étroite collaboration avec des organisations locales, régionales et internationales à différents niveaux. A travers ses différentes fonctions, mais également en tant que mère d’une jeune fille sourde, elle fait figure de pionnière du dialogue avec les jeunes en situation de handicap.

www.cdr-uganda.org