Écrit par Coalition Sarvojana, Inde
Certaines des informations ne seront pas aussi pertinentes pour la situation actuelle, mais nous pensons que ce guide offre des conseils utiles aux défenseur·euse·s des DSSR.
A l’arrivée du COVID-19, le gouvernement indien a décrété le confinement total du pays. Une cartographie définissant différentes zones de couleur en fonction du niveau de risque a été publiée. Dans ce contexte, les groupes marginalisés dont les travailleur·euse·s du sexe (TS) des communautés ciblées par notre projet ont eu les plus grandes peines à accéder aux vivres et à l’aide financière. Sans « carte de famille », ces personnes n’ont pas eu droit aux rations alimentaires et médicales, même s’agissant de mères célibataires avec une famille à nourrir. Sans clients, elles ont perdu leur seule source de revenus.
Les communautés stigmatisées sont encore davantage diabolisées en temps de crise nationale : c’est irrationnel, mais elles deviennent un objet de crainte ou sont tenues pour responsables de la situation. Nous avons constaté une augmentation des expulsions et des violences à l’encontre des travailleur·euse·s du sexe, même s’il n’y a pas eu un seul cas de COVID-19 parmi elles. Cela s’était également produit avec la crise du VIH/Sida. Il est essentiel que le gouvernement protège les communautés marginalisées dans les situations de crise.
L’attention gouvernementale et les financements ont été presque entièrement consacrés à gérer la crise, au détriment des services essentiels comme la SSR et les soins médicaux. Nous avons donc décidé d’apporter toute l’aide pratique que nous pouvions pour répondre à ces besoins.
SIAAP et ses partenaires, Sangama au Karnataka et Saheli Sangh dans la ville de Pune, gèrent plusieurs projets axés sur la santé des travailleur·euse·s du sexe. Durant cette période, nous avons changé de cap pour leur apporter l’aide pratique dont ils et elles avaient désespérément besoin.
Au Tamil Nadu, prenant le relais d’une première initiative de soutien par le Réseau National des Travailleur·euse·s du Sexe (National Network of Sex Workers, NNSW), SIAAP a lancé une campagne de financement participatif pour poursuivre ce soutien par l’intermédiaire de la Fédération Vadamalar des TS. Nous avons levé suffisamment de fonds pour qu’aucun·e des bénéficiaires de notre projet ne souffre de la faim. SIAAP distribue des rations alimentaires non périssables aux TS, les met en relation avec les services du gouvernement provincial et recharge leur téléphone pour leur permettre de rester en contact et de se soutenir mutuellement.
Au Karnataka, nous avons acheté et distribué des rations non périssables et des médicaments de base dans 27 districts grâce à notre participation au Groupe d’Action COVID-19 du Karnataka, nouvellement créé par des organisations de la société civile. Sangama a distribué des rations non périssables à 4 832 TS par l’intermédiaire de l’Union des Travailleur·euse·s du Sexe du Karnataka, d’Uttar Karnataka Mahila Ookutta et d’organisations à base communautaire dans 27 districts du Karnataka. Nous avons également levé des fonds.
A travers notre projet à Pune, où nous travaillons avec plus de 2500 TS dans les bordels ou en-dehors, nous avons aidé celles et ceux qui ne pouvaient plus quitter leur lieu de travail. Saheli Sangh a apporté une aide à 1 200 travailleur·euse·s du sexe et une centaine de leurs enfants. Outre de la nourriture, nous leur avons fourni des chargeurs de téléphone portable pour qu’ils et elles puissent s’appeler et se soutenir mutuellement. Nous avons également proposé un soutien psychologique par téléphone, conscient·e·s des risques de la situation pour la santé psychologique.
Les travailleur·euse·s du sexe ont parlé de l’importance d’économiser, pour ne pas être totalement démuni·e·s dans des situations d’urgence comme celle-ci. Certain·e·s se sont également tourné·e·s vers un autre travail, comme la vente de fruits et légumes, pour compenser leurs pertes de revenus.
Il existe une solidarité et une force vive incroyables au sein des communautés même les plus pauvres et marginalisées. Nous avons vu des TS héberger d’autres TS – de parfait·e·s inconnu·e·s – qui avaient été expulsé·e·s.
Cette crise affectera les communautés sur le long terme et doit être pleinement intégrée à nos actions de soutien. Les TS vont souffrir de la pauvreté pour diverses raisons : moins de clients suite aux pertes d’emploi, restrictions des déplacements, évictions pour loyers impayés.
La probabilité est forte que ces conditions difficiles perdurent pendant de longs mois.
Nous avons pris contact avec les bailleurs prêts à financer une aide d’urgence aux communautés marginalisées. L’une de ces organisations, Mariwala Health Initiative, a financé des kits d’urgence pour 80 travailleur·euse·s du sexe.
Nous avons également lancé un appel aux dons auprès du grand public.
Enfin, nous avons collaboré et tissé des réseaux avec des organisations de femmes et des organisations professionnelles travaillant avec des secteurs non structurés.
Sarvojana est une coalition de 6 OSC du Tamil Nadu, Karnataka, Andhra Pradesh et Maharastra.
South India AIDS Action Programme (SIAAP) [Programme d’action sur le Sida pour l’Inde du Sud]) dans le Tamil Nadu en est le partenaire pilote, auquel se sont alliés Sangama au Karnataka et Saheli HIV/AIDS Karyakarta Sangh à Pune, en tant que partenaires de la coalition Sarvojana.
Sarvojana cherche à améliorer la condition des travailleur·euse·s du sexe, des minorités sexuelles et des personnes vivant avec le VIH/Sida pour leur redonner une liberté de choix, afin qu’ils et elles puissent vivre sans crainte pour leur santé et leur sécurité, et exprimer leur créativité. Notre mode d’action est fondé sur l’éthique, le suivi par les communautés et des approches adaptées au contexte. A travers ces leviers, notre objectif est de générer des données, des preuves et d’influencer les lois, les politiques et les programmes.