Comment soutenir les personnes transgenres lors d’une crise sanitaire nationale

Écrit par Shawana Shah, Da Hawwa Lur, Pakistan

Ce guide a été rédigé en 2020 en réponse à la pandémie de COVID-19.

Certaines des informations ne seront pas aussi pertinentes pour la situation actuelle, mais nous pensons que ce guide offre des conseils utiles aux défenseur·euse·s des DSSR.

Pouvez-vous décrire dans quel contexte de travail vous avez acquis votre expérience en la matière?

Notre projet AmplifyChange consistait à donner aux personnes transgenres les moyens d’accéder à des services, des aides et un accompagnement juridique : par le biais d’actions de sensibilisation et d’émissions radio, mais également en cartographiant les services prêts à les accueillir et en leur proposant des conseils ou un appui juridique. Lorsque le Pakistan a été confiné, mi-mars, nous avons dû interrompre toutes ces activités. Nous n’avons pas tardé à constater que les aides gouvernementales ne parvenaient pas jusqu’à la communauté transgenre, dont la plupart des membres vit seule et dans l’anonymat. En vérité, les personnes transgenres ont depuis toujours le réflexe de s’isoler. Pour celles qui habitent malgré tout avec leurs parents ou leur famille, le confinement s’est souvent traduit par une exposition accrue aux violences basées sur le genre et moins de possibilités de trouver de l’aide.  

Qu’avez-vous appris sur les défis qui attendent les activistes dans cette situation?

Nous avons connu la frustration de ne pas pouvoir venir en aide à nos bénéficiaires au moment où ils et elles en avaient le plus besoin, face à l’anxiété supplémentaire générée par le COVID-19.

Nombre de nos bénéficiaires se sont trouvé·e·s brusquement plongé·e·s dans la pauvreté, en particulier celles et ceux qui tiraient leurs revenus des métiers du sexe ou des arts du spectacle comme la danse, le chant ou l’animation de mariages. Toutes ces activités étaient au point mort et la plupart des personnes transgenres de notre région n’avaient pas d’autre compétence professionnelle.

Ces personnes étant isolées, le confinement nous a posé un véritable défi pour parvenir jusqu’à elles ou leur permettre de venir à nous en cas de besoin.

Comment avez-vous abordé ces défis – et avec quels résultats?

Grâce au téléconseil – Faute de pouvoir poursuivre nos activités de conseil en face-à-face, nous avons rapidement mis sur pieds une ligne de conseil à distance pour nos bénéficiaires, et l’avons faite connaître sur notre site internet et les réseaux sociaux. Pourtant, au cours de la première semaine, nous n’avons pas reçu un seul appel.

En nous interrogeant sur ce phénomène, nous avons réalisé que la majorité de nos bénéficiaires n’avait pas accès aux réseaux sociaux ou à internet pour diverses raisons :  besoin d’anonymat et crainte des persécutions, pas de smartphone, couverture internet inexistante ou trop chère.

Par chance, nous avions, à l’occasion de précédents projets, cartographié notre communauté bénéficiaire avec l’appui de personnes-relais au sein de la communauté. Nous avions donc une liste de quelques 800 personnes transgenres dans les zones couvertes par notre projet. Nous avons utilisé les numéros de portable que nous avions pour les contacter, et nos relais pour aller à la rencontre des personnes transgenres dans leur communauté afin de leur faire connaître l’aide que nous proposions et les moyens d’y accéder.

Les appels ont rapidement afflué. Nous avons assisté 34 personnes en mai et mi-juin, dont 21 femmes, 12 personnes transgenres et un jeune garçon. Nous avons étendu notre mission pour aider toute personne qui nous appellerait.

Afin de décrypter la situation et d’être mieux préparé·e·s à la prochaine crise, nous avons entrepris une Analyse Rapide différenciée par genre de l’Impact du COVID-19, que nous nous apprêtons à publier et à partager avec nos partenaires et au-delà.  Nous produisons également une vidéo documentaire sur l’impact du COVID-19 sur les personnes transgenres.

Quelles sont les leçons de cette expérience pour vos activistes?

Nous avons appris que, pour être utiles à nos bénéficiaires, le mieux est de leur demander ce dont ils ou elles ont besoin et sous quelle forme, plutôt que de formuler des hypothèses.

Ce dont ils et elles avaient le plus besoin était des kits d’hygiène – en raison des hébergements surpeuplés de type dortoirs (Dera’s) -, et d’une aide alimentaire, du fait de la perte de revenus.

Nous avons appris la valeur inestimable des liens directs avec nos communautés bénéficiaires, et l’importance des relais assurés par des habitant·e·s locales·aux au sein des communautés pour pouvoir atteindre davantage de personnes.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui serait dans une situation similaire?

  • Tenez à jour les informations dont vous disposez sur votre communauté, et faites une cartographie pour vous donner un aperçu précis.
  • Apprenez à connaître votre communauté bénéficiaire – ce dont elle a besoin et sous quelle forme. Ne partez pas du principe que vous connaissez déjà les problèmes et les solutions.
  • Faites attention au langage que vous utilisez dans vos communications : privilégiez les images et un discours simple, sans jargon.

Shawana Shah, Da Hawwa Lur, Pakistan

Shawana Shah est Responsable de Programme chez Da Hawwa Lur au Pakistan.  Jeune activiste militant pour l’émancipation des femmes et l’élimination de toute forme de violence basée sur le genre, elle est convaincue que les femmes et les personnes transgenres peuvent être les meilleurs atouts de la nation pour faire bouger les lignes. Titulaire d’une bourse d’étude et de recherche de troisième cycle en sociologie, elle a reçu un prix d’encouragement International Humanitarian Award (Prix Humanitaire International) 2016 aux Etats-Unis. Elle est à la tête d’une organisation de travailleuses, Khyber Pakhtunkhwa (KP) Working Women Union platform, qui milite pour assurer l’égalité des droits aux femmes travaillant à domicile. 

http://www.dahawwalur.org/