Comment répondre aux besoins de la communauté LGBTI en période de confinement

Écrit par Samuel Matsikure, GALZ : une Association de Personnes LGBTI au Zimbabwe

Ce guide a été rédigé en 2020 en réponse à la pandémie de COVID-19.

Certaines des informations ne seront pas aussi pertinentes pour la situation actuelle, mais nous pensons que ce guide offre des conseils utiles aux défenseur·euse·s des DSSR.

Pouvez-vous décrire dans quel contexte de travail vous avez développé votre expertise en la matière?

L’homosexualité est illégale au Zimbabwe. La loi ne protège pas les droits des membres de la communauté LGBTI.  Bien qu’il existe un certain degré de tolérance informelle dans les plus grandes villes, les préjugés et la persécution restent une lourde réalité à l’échelle du pays. Cette situation a été aggravée par de nouveaux défis lorsque le pays s’est confiné face au COVID-19 : réclusion dans un contexte familial hostile ; rupture de l’accès aux aides sociales, aux médicaments et aux services ; perte de contact avec les partenaires et les sources d’aide à l’occasion d’une migration pour chercher du travail.  Sans compter les problèmes courants que sont la faim et la perte des sources de revenus.

Qu’avez-vous appris sur les défis qui attendent les activistes dans une telle situation?

Au Zimbabwe, il faut généralement s’inscrire auprès des services d’aide sociale ou d’un groupe politique particulier pour bénéficier des programmes d’urgence. Or les personnes LGBTI, comme d’autres communautés vulnérables, sont souvent « invisibles » et donc exclues des aides alimentaires et financières d’urgence : ces personnes hésitent à s’enregistrer auprès des autorités par crainte pour leur sécurité et leur vie privée.

La rupture de l’accès aux médicaments essentiels est aussi un enjeu critique pour les personnes vivant avec le VIH/Sida au sein de la communauté.

Les tensions au sein des ménages ont provoqué une recrudescence de la détresse psychologique et de la violence : en temps normal, les personnes LGBTI souffrant de comportements intolérants dans leur famille ont tendance à passer beaucoup de temps à l’extérieur, mais en période de confinement il n’y a aucun répit possible.

Pourriez-vous nous en dire plus sur les défis auxquels vos activistes ont été confronté·e·s?

Nous travaillons plus dur et plus longtemps qu’auparavant. Les besoins de notre communauté sont ininterrompus, et les questions de transport et de relais d’information nécessitent beaucoup de temps d’organisation. Notre engagement est d’être joignables 24h/24 et 7j/7 pour soutenir et conseiller celles et ceux qui en ont besoin.

Les êtres humains auront toujours besoin d’une vie intime ! Nous continuons à recevoir des demandes pour des moyens de contraception, des lubrifiants et des préservatifs, des traitements et kits de diagnostics pour le VIH/Sida et autres MST. Les services de DSSR font partie des services essentiels.

Comment avez-vous abordé ces défis – et avec quels résultats?

Nous sommes une organisation de plaidoyer et de soutien, mais face aux défis que pose le COVID-19 nous avons rapidement adapté notre travail pour répondre aux nouveaux besoins de notre groupe bénéficiaire.

La faim, conséquence des pertes de revenus, est au premier rang des préoccupations dans notre communauté. Nous avons lancé une vaste stratégie de levée de fonds pour renforcer l’aide alimentaire et nutritionnelle aux personnes vivant avec le VIH/Sida et à celles durement touchées par la faim. La coordination a été mutualisée entre quatre organisations LGBTIQ pour éviter les doublons et les demandes multiples.

Nous avons basculé notre offre d’aide et de conseils vers une formule en ligne et avons créé des groupes thématiques personnalisés sur WhatsApp, par exemple le Groupe des Anciennes ou le Groupe Santé Psychologique. Le succès a été fulgurant.

Nous avons développé un plan opérationnel pour continuer d’aller à la rencontre des communautés et les soutenir grâce à des visites à domicile, et avons organisé des transports vers les institutions de santé pour préserver l’accès aux services. Nous nous sommes coordonné·e·s avec d’autres organisations de la société civile, le Ministère de la Santé et de l’Enfance et des groupes de population stratégiques, pour amplifier la mobilisation et mettre en relation les services existants et leurs bénéficiaires potentiel·le·s. Pour cela, nous suivons les directives gouvernementales sur les prestations de services en lien avec le VIH et la SSR.

Nous avons maintenu l’accès à notre clinique dans un centre urbain (en suivant les consignes sanitaires COVID-19) ainsi que les visites dans les communautés lorsque cela était nécessaire.

Trois autres centres d’accueil dans trois villes travaillent avec des partenaires pour proposer des services mobiles et/ou des transports vers les centres médicaux et pour coordonner les colis alimentaires à destination des personnes vivant avec le VIH.

Nous formons les travailleur·e·s des dispositifs de santé sur les besoins des personnes LGBTI.

Pour ce faire, nous avons obtenu des lettres de soutien du Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP) et d’autres agences des Nations Unies, afin de pouvoir nous déplacer plus facilement malgré les restrictions actuelles.

Quelles leçons vos activistes retiennent-ils/elles de cette expérience?

  • Les groupes thématiques sur WhatsApp ont connu un énorme succès, nous comptons les poursuivre.
  • Le besoin de services ininterrompus est bien réel au niveau des communautés.
  • La santé est intimement liée aux questions de subsistance : la plus grande partie de la population travaille dans le secteur informel et a été brusquement privée de revenus.
  • L’importance d’agir au niveau des familles. Nous travaillerons davantage autour de l’inclusion et de l’émancipation.
  • L’importance de soutenir celles et ceux qui vivent seul·e·s et ne sont pas connecté·e·s, y compris après la pandémie.
  • L’efficacité des partenariats.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui serait dans une situation similaire?

  • Il y a de très nombreuses façons de répondre aux besoins et de fournir des services. Tentez différentes options et voyez ce qui marche en fonction des circonstances ; repensez régulièrement votre façon de faire.
  • Veillez à entretenir un flux d’information et de communication fort et continu avec votre personnel.
  • Nouez des partenariats avec d’autres organisations pour compléter votre action et répondre aux besoins.
  • Recherchez des financements pour soutenir l’aide nutritionnelle aux personnes vivant avec le VIH et répondre aux besoins alimentaires de la communauté, en lançant une levée de fonds ou en faisant appel aux dons et à des bienfaiteur·rice·s.

Samuel Matsikure, GALZ : une Association de Personnes LGBTI au Zimbabwe

Samuel Matsikure, Responsable de Programme pour GALZ : une Association de Personnes LGBTI au Zimbabwe, est un expert en programmation, gestion et recherche autour des enjeux LGBTI. Initialement professeur, il a rejoint GALZ pour apporter son aide et ses conseils aux membres et familles de la communauté LGBTI. Sam est titulaire de diplômes d’enseignement supérieur et de thérapie familiale et d’un diplôme de sociologie et développement sensible au genre ; il suit actuellement un Master en Droits humains, Paix et Développement à l’Université d’Afrique.  Il est boursier du programme de plaidoyer pour les Droits humains de l’Université de Columbia.

https://galz.org/