Comment renouveler sa subvention AmplifyChange – COVAW, Kenya

Écrit par Wairimu Munyinyi-Wahome, Coalition on Violence Against Women (COVAW), Kenya

Pourriez-vous décrire la situation de votre organisation et de votre projet avant le renouvellement de votre subvention AmplifyChange?

Avant le renouvellement de notre subvention, notre travail, qui portait sur les mutilations génitales féminines et l’excision (MGF/E) dans le district de Narok, avait connu un temps mort. Nous manquions de ressources pour mettre en œuvre d’autres activités, mais sentions, de la part des communautés au sein desquelles nous travaillions, une demande en faveur de la poursuite de notre engagement pour répondre aux besoins existants. Nous avons réalisé que la continuité de l’accès aux ressources est vitale pour maintenir le dynamisme autour d’un projet. Aussi, malgré ce coup de frein, cette période a aussi eu des aspects positifs ; elle nous a permis de réfléchir à une gestion plus stratégique de notre portefeuille de financements.

Pouvez-vous expliquer brièvement pourquoi votre projet nécessitait un complément de financement et en quoi ces ressources additionnelles devaient permettre d’amplifier les résultats?

Nous avions identifié des points d’entrée à partir desquels donner corps au changement que nous voulions impulser, à condition de ne pas relâcher nos efforts. Par exemple :

  • Le risque de perdre le bénéfice des avancées réalisées vers l’éradication des MGF/E incitait à intensifier les interactions avec la communauté. L’extension de notre financement devait nous permettre de poursuivre l’engagement, la communication et les rencontres avec les communautés, tout en renforçant les capacités de communication des influenceur·euse·s clé (chef·fe·s communautaires) pour les aider à remettre en cause ces pratiques.
  • Le taux de signalement des VBG restait faible, en particulier en matière de MGF, mariages et grossesses précoces. Un financement additionnel nous aurait permis de renforcer les liens avec les forces de l’ordre et les agences gouvernementales décentralisées afin d’agir pour l’application effective des lois. Nous comptions ainsi sensibiliser les communautés à la législation existante, et remettre en cause la culture de la non-dénonciation des violences.
  • Les hommes se sont révélés un levier central pour impulser des changements sociétaux et culturels – l’extension de notre financement devait nous permettre d’impliquer davantage les hommes dans le projet grâce à l’engagement public de personnalités masculines.
  • Du fait d’un taux d’illettrisme encore élevé au sein des communautés, de nombreux parents n’avaient pas conscience de l’intérêt de scolariser leurs enfants. Or l’éducation est un catalyseur décisif des changements sociaux auxquels nous aspirons. Il nous fallait donc d’une part encourager les parents à valoriser l’éducation de leurs enfants, d’autre part créer des supports d’information, éducation et communication adaptés à ce type de public, par exemple en privilégiant les illustrations plutôt que le langage écrit.
  • La convergence des actions de différentes OSC travaillant dans le même domaine peut avoir un impact considérable. La subvention initiale avait appuyé la création d’un réseau d’OSC ; une extension du financement devait permettre de soutenir les délibérations et rencontres au sein du réseau.

Quels changements avez-vous entrepris, et en quoi vous ont-ils permis d’obtenir le renouvellement de votre subvention?

En investissant dans un travail direct au sein des communautés, consistant entre autres à renforcer les capacités d’influenceur·euse·s clé, identifier et former des activistes communautaires et construire une collaboration avec les forces de l’ordre et d’autres organisations progressistes, par exemple à travers la création du réseau d’OSC NACCSET (Narok County Children Support Network) et d’un Groupe de Travail Technique sur le Genre, nous avons créé des opportunités de discussion ouverte autour des VBG. Nous avons ainsi initié une dynamique vers une implication citoyenne accrue, notamment de la part des hommes, pour rechercher des solutions et faire bouger les lignes. Nous commencions à déceler un changement d’attitude autour des MGF/E, des mariages précoces, des grossesses non désirées et de l’avortement à risques.

Les progrès obtenus lors du projet initial démontraient que nos stratégies et notre projet étaient pertinents, la coordination avec d’autres structures progressait et nous devenions nous-mêmes une organisation plus forte. Nous avions donc des arguments solides pour appuyer notre demande de renouvellement, puisque nous pouvions démontrer tant l’impact de notre subvention initiale que l’ampleur des besoins restant à couvrir. 

Que vous a appris cette expérience de renouvellement?

  • Identifier et renforcer les capacités des agents du changement au sein des communautés cibles fait partie intégrante d’une stratégie pour des résultats durables.
  • Un suivi et une réflexion continus sont essentiels tout au long du cycle de vie du projet. COVAW continue dans cette voie, en partenariat avec d’autres structures, réseaux et agences gouvernementales. Les MGF/E sont un sujet sensible, pour lequel des approches traditionnelles du suivi et évaluation peuvent être inadaptées. Il est par exemple difficile de connaître le nombre réel des victimes. Cependant, grâce à des processus de recensement des réalisations et collecte des récits de changement les plus significatifs, nous avons pu suivre et démontrer les progrès réalisés, tant au niveau pratique que politique.
  • En partageant les résultats que nous avons obtenus, COVAW est devenue une organisation de référence parmi les militant·e·s anti-MGF/E au Narok, ce qui nous a conforté·e·s dans notre perspective axée sur la qualité de notre travail.
  • C’est la demande exprimée par la communauté pour la poursuite de l’intervention qui nous a convaincu·e·s de préparer une candidature à une seconde subvention AmplifyChange, représentant un changement d’échelle par rapport au financement initial.

Quels conseils donneriez-vous à une organisation espérant renouveler sa subvention AmplifyChange?

  • Investissez dans les communautés au sein desquelles vous travaillez – une implication étroite et des communications ouvertes contribuent à un sentiment d’appropriation du projet par la communauté, qui se traduira par un soutien plus marqué et catalysera les évolutions positives.
  • Suivez, recensez et démontrez les progrès – tout au long du projet.
  • Soyez ouvert·e·s dans vos communications avec AmplifyChange – n’hésitez pas à partager les succès comme les défis rencontrés.

Wairimu Munyinyi-Wahome, Coalition on Violence Against Women (COVAW), Kenya

Wairimu Munyinyi-Wahome, Directrice Exécutive de Coalition on Violence Against Women (COVAW), Kenya, a plus de 15 ans d’expérience de travail en tant que lobbyiste pour les droits de la femme, dans quatre pays d’Afrique : Namibie, Somalie, Sierra Leone et Kenya.

Depuis qu’elle a rejoint COVAW en Juillet 2018, Wairimu a renforcé l’image de l’organisation en investissant dans sa stratégie de communication et ses capacités de réseau. Elle a participé à l’obtention de deux subventions qui complèteront le travail entrepris par COVAW dans le cadre du projet financé par AmplifyChange.

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