Comment mobiliser et soutenir les jeunes

Écrit par James Unegbu, Leadership Initiative for Youth Empowerment (LIFE), Nigeria

Quels sont pour vous les principaux avantages à travailler auprès des jeunes?

Les jeunes – un terme qui désigne généralement les personnes de 35 ans et moins – sont un groupe dynamique avec une grande diversité d’intérêts, besoins et défis. De notre point de vue à LIFE, le travail auprès de ce segment de population est extrêmement bénéfique et la jeunesse représente un point d’intervention crucial, tant du point de vue individuel que sociétal. Pour citer quelques exemples spécifiques, l’intérêt de s’adresser à ce groupe cible est entre autres :

  • D’encourager une citoyenneté active : le travail auprès des jeunes les initie à l’activisme civique et à la philanthropie communautaire. Ceci construit des communautés plus fortes.
  • De réduire les comportements anti-sociaux: Faire participer les jeunes à des activités qu’ils/elles apprécient avec d’autres jeunes permet d’éviter des comportements anti-sociaux et offre une opportunité de développement social et personnel.
  • D’encourager l’éducation et l’emploi : en réduisant le nombre de jeunes absent·e·s ou exclu·e·s de l’école, de la formation et de l’emploi.
  • D’accéder au capital social : les jeunes détiennent un abondant capital social. Ils/elles sont connectés à leur groupe d’âge et à d’autres structures sociales de la communauté. En conséquence, le travail auprès des jeunes constitue un point d’entrée vers la structure sociale de la communauté.

Avez-vous rencontré des défis particuliers dans votre travail auprès des jeunes?

En nous adressant à cette population, nous sommes confronté·e·s aux défis suivants :

  • Le manque d’autonomie : les jeunes étant encore sous la protection de leurs parents ou gardiens, ils/elles ont des possibilités de décision limitées. Par exemple, ils/elles ne peuvent pas décider librement d’avoir recours à certains services de DSSR tels que la planification familiale ou l’avortement sans l’accord de leurs parents.
  • L’influence sociale : nous avons observé que les jeunes sont généralement sensibles à l’influence des autres. Par exemple, à l’occasion d’un travail avec un groupe mixte de consommateurs de drogue, nous avons constaté que la fréquence des rechutes augmentait en cas d’interaction avec d’autres jeunes en-dehors du programme.
  • La mobilité géographique : l’un des principaux défis que nous rencontrons avec les jeunes est leur forte mobilité. La jeunesse est un stade de développement où l’on est fréquemment amené·e à partir ou se déplacer pour les besoins de différentes activités, ou prendre divers engagements qui compromettent la capacité à participer de façon suivie à un programme. C’est particulièrement difficile lorsqu’il s’agit de jeunes ayant montré un fort potentiel et participé activement à la mise en œuvre du programme.

Comment avez-vous surmonté ces défis ? Quels changements cela a-t-il entraîné?

Pour gérer ces problèmes identifiés, nous avons adopté différentes stratégies, telles que :  

  • Un partenariat régulier avec les adultes : nous avons élargi notre programme pour y intégrer une dimension de partenariat avec les adultes. Ce partenariat a entre autres pris la forme d’actions de plaidoyer auprès de structures gérées par des adultes (telles qu’institutions religieuses et éducatives, conseils traditionnels, etc.) et d’une participation significative des adultes dans nos activités. Par exemple, l’implication des adultes dans les dialogues et évènements organisés autour des journées d’action internationales sur les droits humains et la santé sexuelle et reproductive s’est révélée très efficace.
  • Atteindre une masse critique : Nous avons observé que pour contrecarrer l’influence sociale, nous devions augmenter le nombre de jeunes que nous formions et sensibilisions. En d’autres termes, nous devions approfondir notre présence dans les communautés cibles. Nous avons donc entrepris de travailler auprès de structures accueillant un grand nombre de jeunes telles que les écoles, les organisations religieuses ou les instituts de formation professionnelle.
  • L’appropriation par les jeunes de la planification du programme : nous avons constaté que l’engagement auprès des jeunes au sein de leurs structures sociales dès les débuts du programme permettait d’assurer à la fois leur implication dans les activités et la pérennité du programme.  Par exemple, lorsque nous pratiquons des activités avec les jeunes à l’école, nous observons que lorsque les élèves plus âgés quittent l’école, ils/elles transmettent leurs connaissances aux plus jeunes. Nous sommes ainsi parvenus à ce qu’à tout moment les jeunes et les écoles s’approprient les activités du programme. Cette stratégie a été renforcée par des formations régulières et un plan d’implication par rotations.

Quels résultats avez-vous obtenus?

En appliquant ces stratégies, nous avons obtenu deux résultats clés ainsi que de précieux retours d’expérience :

  • Tout d’abord, nous avons pu maintenir l’engagement constant et actif de jeunes dans la mise en œuvre de nos interventions : nous avons travaillé avec plus de 60 000 jeunes sur à peine cinq ans.
  • Ensuite, nous avons pu atteindre concrètement les résultats escomptés du projet et les maintenir même au terme du cycle de vie du projet. Ainsi, dans un projet sur l’accès aux services de DSSR et traitements pour les jeunes, nous avons assisté à une hausse de 30 % de l’accès aux services sur 10 mois. Il s’agit d’une amélioration d’une année sur l’autre par rapport aux deux années précédentes. Ce résultat a pu être obtenu grâce à la participation active de plus de 800 jeunes.

Qu’avez-vous appris de votre expérience, et que conseilleriez-vous à d’autres organisations travaillant auprès des jeunes?

Formalisez le début, le milieu et la fin de votre programme pour constituer un processus créatif complet. Notre travail auprès des jeunes nous a permis de constater que les résultats sont meilleurs lorsque les modalités de notre engagement sont clairement définies. Par exemple, nos programmes de développement de la jeunesse commencent par une cérémonie d’ouverture à laquelle assistent les parents et gardiens, pour avoir un aperçu du programme. Nous organisons une évaluation à mi-parcours où les jeunes reçoivent un retour sur leurs résultats et ont aussi l’opportunité de faire part des domaines que le programme pourrait améliorer. Nous terminons par une cérémonie formelle de clôture lorsque les jeunes obtiennent leur diplôme. Les diplômés ont ensuite la possibilité de devenir bénévoles. Nous avons constaté que la méthodologie ci-dessus aide les jeunes à grandir et à développer les compétences nécessaires dans la vie courante.

Nous avons également appris que, sans le soutien et l’engagement des adultes, les objectifs du programme et des activités peuvent être mal compris, avec le risque de nuire à l’avancement du projet. Nous avons connu une telle situation lorsqu’une jeune femme participant au programme, tombée enceinte, a eu recours à un avortement à risque dans des conditions qui ont failli lui coûter la vie. Cet incident a fait naître l’idée fausse que le programme LIFE orientait les jeunes vers des services d’avortement à risques. A la suite de cela, les adultes de la communauté ont activement dissuadé les jeunes de participer. Il a fallu près de deux ans de plaidoyer et des déclarations de la famille de la jeune fille avant que nous puissions relancer notre composante DSSR. Ces deux années ont représenté la perte d’un temps précieux, qui aurait pu être mis à profit pour la mise en œuvre réelle du programme.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui travaille auprès des jeunes?

  • Fixez un contrat informel au début de votre travail, abordant les horaires et la gestion du temps, le comportement et le langage. Il doit être négocié en partenariat pour que tout le monde s’y retrouve.
  • Définissez des jalons marquant le début, le milieu et la fin de votre programme.
  • Donnez aux jeunes un contrôle créatif pour faciliter l’apprentissage, et ne monopolisez pas l’autorité.
  • Ne vous attendez pas à obtenir le même niveau de résultat ou d’impact chez tou·te·s les participant·e·s au programme. Les jeunes forment un groupe non homogène. Acceptez la diversité.
  • Récompensez la réussite des jeunes par un certificat, une mise en valeur ou un évènement au terme du processus. Cela renforcera leur estime et encouragera la rétention.
  • Le partenariat avec les adultes est une composante essentielle d’une intervention auprès des jeunes.

James Unegbu, Leadership Initiative for Youth Empowerment (LIFE), Nigeria

James Unegbu is a youth-development and gender activist, with over 17 years’ experience. He has provided programme support to several organisations in Nigeria, including Community Life Project, Family Health International, Women’s Rights and Health Project and Stop AIDS Organisation. James currently serves as a Programme Manager with Leadership Initiative for Youth Empowerment (LIFE), where he designs and implements youth-development programmes on human rights, sexual and reproductive health (SRH) and peace-building. He also supports the organisation in project management and fundraising. https://lifenig.wordpress.com/contact-us/