Comment mettre en place des services nomades en période de pandémie

Écrit par Muhammad Aslam, Peace Foundation Pakistan

Ce guide a été rédigé en 2020 en réponse à la pandémie de COVID-19.

Certaines des informations ne seront pas aussi pertinentes pour la situation actuelle, mais nous pensons que ce guide offre des conseils utiles aux défenseur·euse·s des DSSR.

Pouvez-vous décrire dans quel contexte de travail vous avez développé votre expertise en la matière?

Nous sommes une organisation pour le développement qui intervient dans des zones isolées, rurales et désertiques de deux districts de la province du Sind au Pakistan. Dans ces régions, les bouleversements engendrés par la pandémie du COVID-19 ont mis en danger la santé sexuelle et reproductive. Les jeunes hommes qui migrent vers les villes pour trouver du travail sont revenus sans ressources. Les femmes et les filles ont encore moins accès aux services de santé sexuelle et reproductive, par manque d’argent et de moyens de transport pendant le confinement. Face à cette crise, nous avons mis à profit notre précédente expérience des services nomades dans le domaine de l’avortement sécurisé pour proposer des services de planification familiale et de médecine générale. Nous avons réorienté le travail de notre projet AmplifyChange vers la supervision de ces services, pour planifier nos missions et assurer la qualité des services.

Qu’avez-vous appris sur les défis qui attendent les activistes dans une telle situation?

Dans le sillage du COVID-19, les difficultés résultant du confinement se sont traduites par une recrudescence des grossesses non désirées, y compris chez les adolescentes, une prévalence accrue de la malnutrition ainsi qu’un recul de la vaccination et des soins prénataux. Nous assistons également à une hausse des taux d’avortement à risque, de violences domestiques et sexuelles, de mortalité maternelle et de mortalité des enfants de moins de cinq ans. Les populations des zones isolées se sont trouvées privées d’accès à leurs services habituels de planification familiale au moment où les centres de santé ne pouvaient pas non plus organiser de tournées pour rendre visite à leurs bénéficiaires.

Pourriez-vous nous en dire plus sur les défis auxquels vos activistes ont été confronté·e·s dans cette période?

  • Nos bénéficiaires ont peur, ils et elles pensent que nous voulons vérifier s’ils/elles ont le virus pour les emmener vers un centre de quarantaine. Nous devons, avec l’aide de notre personne relais dans le village, les rassurer sur ce que nous venons proposer.
  • A chaque barrage de police, nous devons convaincre les hommes en faction que nous sommes un prestataire de services à la population et que nous agissons avec l’autorisation du gouvernement.
  • Pour des raisons pratiques, il a été difficile d’organiser des visites durant cette période, qui était aussi celle du jeûne du Ramadan et des premières canicules.

Comment avez-vous abordé ces défis – et avec quels résultats?

Nous proposons des services de planification familiale gratuits et faciles d’accès, jusqu’au seuil des femmes et des filles vivant dans des villages isolés. Chaque mois, nous nous rendons auprès de 800 à 850 femmes et filles dans 12 villages. Nous organisons aussi des camps nomades gratuits sur la planification familiale.

Les antennes locales de la Direction de la Population du Gouvernement du Sind et nos dix groupes de Gardiennes (projet AmplifyChange) nous transmettent une liste de villages où les besoins sont importants. Nous achetons des provisions au marché local et fournissons nos propres véhicules, chauffeur·e·s et équipements médicaux.

Nous nous rendons dans ces villages et choisissons une femme et son frère/mari comme personnes relais, qui reçoivent une petite rétribution pour leur aide et fixent la date et le lieu de notre camp. Pour rassurer la communauté et les bénéficiaires au sujet de notre visite, nous rencontrons au préalable les hommes du village et distribuons des tracts d’information sur Peace Foundation et nos services.  

Lors de nos missions, nous prenons toutes les précautions pour éviter la propagation du virus. Nos intervenant·e·s portent des vêtements de protection, lunettes, gants et masques N-95 ; ils et elles sont muni·e·s de savon, mouchoirs à usage unique et gel hydroalcoolique, ainsi que de thermomètres infrarouges pour la prise de température. Nous suivons strictement les consignes de distanciation sociale. Le public est reçu une personne à la fois, et notre personne relais veille à ce que chacun·e se soit lavé les mains et les ait désinfectées au gel hydroalcoolique. Nous désinfectons quotidiennement nos véhicules, tables et autre matériel.

Après avoir répondu aux besoins de planification familiale de nos bénéficiaires, nous les orientons vers leurs prestataires de services locaux pour un suivi après deux ou trois mois.

Quelles ont été les principales leçons de cette expérience pour vos activistes?

Dans les villages où nous nous sommes rendu·e·s, il s’est avéré utile d’obtenir une autorisation de l’administration locale. Nous avons constaté que les habitant·e·s peuvent être hésitant·e·s, ou nous demander autre chose, par exemple de la nourriture ou des médicaments généraux.  Notre équipe a également rencontré quelques difficultés avec les forces de l’ordre lors de nos missions.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui serait dans une situation similaire?

  1. Adressez-vous aux services locaux d’aide sociale ou aux centres de planification familiale pour obtenir des données sur le nombre d’usager·ère·s de la planification familiale et sur la population globale. Cela vous aidera à choisir le lieu le plus opportun pour vos camps nomades.
  2. Désignez une personne relais pour chaque camp : elle sera chargée de planifier le déroulement des prestations, d’organiser l’accès du public et de tenir un registre. Ainsi, vous éviterez que les services soient pris d’assaut.
  3. Approchez la communauté locale. Les notables des villages facilitent nos rencontres avec les bénéficiaires et nous proposent régulièrement une pièce avec eau et électricité, en sécurité.
  4. Prenez des mesures de protection adaptées pour les intervenant·e·s et les usager·ère·s.

Vos activistes ont-ils/elles utilisé des ressources externes qui les ont aidé·e·s à surmonter ces défis et que vous recommanderiez à d’autres organisations?

Nous avons été appuyé·e·s par la Direction du Bien-Etre de la Population et avons appliqué les consignes sanitaires du Gouvernement du Sind:

1. http://familyplanning2020.org/sites/default/files/COVID/Guidelines-FPRH-COVID-19-Sindh-March-2020.pdf

Muhammad Aslam, Peace Foundation Pakistan

Muhammad Aslam a 10 ans d’expérience dans le développement de projets, la levée de fonds et la création de partenariats pour étendre la couverture des services de santé sexuelle et reproductive (SSR).  Titulaire d’un Master d’Economie et d’un diplôme en Culture et Sexualité de l’Université d’Amsterdam, il est Directeur des Programmes de Peace Foundation Pakistan depuis trois ans. Il y est reconnu pour ses compétences de coordination et sa capacité à construire des relations de travail solides avec les bailleurs et les acteurs des mécanismes d’urgence.

www.peacepak.org