Écrit par Écrit par l’équipe du SIAAP, Inde
SIAAP est une organisation non gouvernementale formée en 1990 à l’issue d’une action de plaidoyer qui contestait la détention illégale de travailleuses du sexe. Cet évènement a conduit au développement d’une politique nationale basée sur les droits pour la prévention et la prise en charge du VIH. Il est également à l’origine de l’engagement durable de SIAAP, dans une démarche basée sur les droits et sur l’autonomie, pour promouvoir la santé psychologique, sexuelle et reproductive de populations clé dont les jeunes et les travailleuses du sexe volontaires, pour faire valoir leurs droits à la sécurité, à la sexualité, au consentement et à la santé psychologique.
Pour nous, une approche qui parle du plaisir sous un jour positif est un levier primordial pour faire bouger les lignes de la santé sexuelle et reproductive, faire reculer la peur et encourager chacun·e à se reprendre en main, s’approprier sa santé et revendiquer son autonomie. Placer le plaisir au centre des discussions permet davantage de sécurité et renforce la confiance, indispensable pour communiquer et pour maîtriser sa sexualité sans se mettre en danger. Enfin, nous pensons que cette approche ouvrira la porte à des façons plus imaginatives de conceptualiser la santé et la sécurité, la maladie, le bien-être, le consentement et la vie privée en matière de santé sexuelle.
Les campagnes de plaidoyer pour la santé sexuelle ont compris l’intérêt d’adopter une définition large de la santé sexuelle, qui fait une place au plaisir, à la joie, à l’autonomie et au bien-être. Nous pensons qu’il est tout aussi vital d’intégrer ces éléments dans le plaidoyer pour une approche basée sur les droits en matière de travail du sexe.
Nous avons étudié les preuves montrant que les interventions pour les DSSR qui font une place au plaisir peuvent avoir de nombreux effets positifs sur les comportements et sur l’efficacité de l’information.
Enfin, nous avons parfaitement conscience de la réalité violente et traumatisante que vit la communauté pour laquelle nous travaillons. Nous voyons un intérêt à présenter les DSSR sous un jour plus créatif, plus joyeux et rafraichissant, par opposition au cadre classique des DSSR où les activités sont souvent motivées par la peur.
Nous avons organisé, avec des organisations communautaires, des discussions de groupe centrées sur la signification du plaisir pour les travailleuses du sexe, sur la manière dont elles le ressentent ainsi que leurs partenaires et leurs clients, sur la manière dont elles savent gérer le plaisir et l’inconfort, sur ce qui inhibe le plaisir et sur la relation entre le plaisir et le sexe pratiqué dans des conditions sûres. Nous avons appris que les travailleuses du sexe parviennent à éprouver du plaisir : même si leur principale motivation est de gagner de l’argent, elles sont capables de décrire couramment la sensation de plaisir dans leur corps et d’exprimer clairement ce qui procure du plaisir aux clients.
Ce programme a laissé notre équipe enthousiaste et rafraîchie. Les discussions positives autour du plaisir ont renforcé les liens entre les membres du personnel, créé une atmosphère positive au travail et donné à nos collaborateur·rice·s les moyens d’explorer plus en profondeur leur propre relation au plaisir.
Sur le plan académique, cela nous a permis de réfléchir, d’examiner les pratiques actuelles en matière de droits et santé sexuels et reproductifs, notre historique et nos approches en tenant compte des nouvelles découvertes issues des approches donnant une vision positive du plaisir.
Les discussions sur le plaisir ont renforcé les liens dans la plupart des organisations communautaires, avec une participation libre et enthousiaste des femmes. En restructurant nos programmes de formation pour y mettre le plaisir en bonne place, nous avons amélioré la participation des femmes dans d’autres domaines de travail, revitalisé les réunions et renforcé les efforts de mise en commun à la base. Les enseignements tirés de cette expérience ont permis d’envisager des programmes axés sur le plaisir auprès d’autres populations clés avec lesquelles nous travaillons, par exemple les adolescent·e·s. Cela nous a également permis de mieux comprendre les raisons qui peuvent pousser les gens à rechercher des services de santé.
Dans un contexte souvent marqué par la peur et la violence, il s’est parfois avéré difficile de communiquer de manière persuasive au sujet du plaisir parmi nos parties prenantes. Nos participant·e·s sont souvent des personnes malheureuses, qui peuvent dire qu’elles n’éprouvent aucune joie ni aucun plaisir dans leur vie. Il est difficile de leur parler des solutions pour mieux négocier des relations sexuelles agréables et sûres avec leurs partenaires/clients.
C’est parfois une désillusion de constater le peu d’autonomie dont disposent les femmes pour prendre des décisions concernant leur corps et leur vie, ainsi que les contraintes auxquelles elles sont soumises. Il est également difficile d’atteindre les clients et les partenaires des travailleur·euse·s du sexe, alors qu’il est essentiel d’intervenir auprès d’eux pour promouvoir une approche intégrant le plaisir.
Un programme visant à réhabiliter le plaisir dans votre approche des droits et de la santé sexuels et reproductifs n’est peut-être pas la priorité de la communauté. Il sera plus facile de le faire accepter par les parties prenantes en l’intégrant à ce qui compte déjà pour la communauté. Par exemple, dans notre travail auprès des travailleuses du sexe, nous insistons sur le fait qu’intégrer le plaisir à leur pratique non seulement renforcera leur confiance en elles pour rechercher des soins, mais aussi, et c’est essentiel, améliorera leurs revenus. Cela permet également de rompre avec la perception courante que ce point est secondaire.
En Inde, Leeza est la principale source de contenu positif sur le plaisir. Sachant à quel point le sexe reste stigmatisé en Inde, elle a créé ses plateformes sur YouTube et Instagram en 2017, dans l’intention de normaliser les conversations autour de la sexualité, de la santé sexuelle, du genre et du corps – et en s’intéressant en particulier aux femmes et au plaisir.
Desire, Sexuality And Choice: Disabled Indian Women And Queer Persons On Their Experiences
SEXUAL RIGHTS OF WOMEN WITH PSYCHOSOCIAL DISABILITIES
Notre équipe se compose de professionnel ·le ·s du développement aux qualifications et à l’expertise uniques. Kavya et Sharmi sont spécialisées l’une en neurosciences et l’autre en droits humains; Swaminathan et Shyamala ont plus de vingt ans d’expérience dans le secteur et ont un Doctorat en études démographiques et en bioéthique respectivement. Surtout, elles ont consacré une bonne partie de leur vie à soutenir et émanciper les travailleur ·euse ·s du sexe et d’autres populations clé, en ciblant des aspects stratégiques de la santé sexuelle et psychologique, de l’éducation et de la sécurité, toujours dans une approche basée sur les droits.