Écrit par Sexual Reproductive Health Rights Africa Trust (SAT)
Au Zimbabwe, les communautés dans lesquelles nous travaillons connaissent peu ou pas la loi de 1977 sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) – qui permet d’interrompre une grossesse en cas de viol, d’inceste ou de risque pour la santé de la mère ou du fœtus. Il arrive souvent qu’une femme ou qu’une fille se tourne vers un avortement clandestin à risques alors qu’elle pourrait avorter dans des conditions sûres et légales.
Il y a la peur d’être ostracisée, et des croyances religieuses bien ancrées.
L’organisation Sexual Reproductive Health Rights Africa Trust (SAT), en partenariat avec Women’s Action Group et Katswe Sistahood, a mis en œuvre un projet intitulé « Débloquer des espaces sûrs pour des DSSR globaux et l’accès à l’avortement légal et sécurisé pour les femmes et les adolescentes du Zimbabwe » (projet USSCLAZ). Financé par AmplifyChange, ce projet visait à répondre aux causes des avortements à risques et de la faible fréquentation des services de santé sexuelle et reproductive. Il comportait également un volet de plaidoyer pour la réforme de la loi sur l’avortement et pour réduire les problèmes de stigmatisation et discrimination associés à l’avortement au Zimbabwe.
Pour aborder la question des avortements à risques dans la communauté, nous avons commencé par nous tourner vers des questions plus « acceptables » et moins controversées comme les grossesses chez les adolescentes, la forte prévalence des MST et du VIH chez les jeunes, et l’accès à des services de DSSR dont la contraception.
En commençant par parler de ces sujets, nous avons pu amener sur la table des questions plus tabous comme le fait que des femmes et des filles meurent lors d’avortements clandestins et à risques, ou les mariages d’enfants provoqués par la grossesse non désirée d’une fille/jeune femme ; et dans certains cas il a été possible de parler de l’avortement clandestin et de l’inceste – là où les cas d’inceste sont gérés dans le cercle familial pour protéger l’agresseur (un membre de la famille) au détriment de la fille qui en est victime.
Dans les communautés où nous travaillons, la plupart des gens connaissent une femme ou une fille qui s’est retrouvée enceinte sans l’avoir voulu, qui a dû arrêter l’école pour cause de grossesse ou qui a subi un avortement à risques. C’est à travers ces réalités du quotidien que nous avons pu ouvrir des brèches pour initier un dialogue sur le sujet de l’accès à l’avortement sécurisé.
Le manque de connaissances des droits et de la santé sexuels et reproductifs (DSSR) et de la loi sur l’IVG de 1977 a fourni l’occasion de créer un dialogue avec les communautés autour des DSSR dans leur ensemble et de l’information sur le contenu de la loi. Ceci a permis aux populations locales d’acquérir une certaine compréhension des enjeux de DSSR et a contribué à démentir le mythe selon lequel l’avortement serait illégal au Zimbabwe.
Cette meilleure connaissance des droits et de la santé sexuels et reproductifs au sein de la communauté a permis d’interpeller et de sensibiliser les gardiens de la culture et les personnalités religieuses. Par le passé, ces chefs traditionnels et religieux soutenaient très peu le programme d’accès à l’avortement sécurisé, en raison d’un manque de compréhension et de connaissances qui favorise les positions extrémistes.
Certains chefs traditionnels considéraient l’avortement comme un sujet tabou accusé d’avoir un impact négatif sur le mode de vie des communautés. L’engagement continu auprès de ces chefs par le biais d’interventions de clarification des valeurs et de transformation des attitudes a permis d’arriver à des attitudes plus progressistes sur l’IVG et les DSSR.
Au niveau politique, SAT a travaillé avec les décideurs pour mettre en évidence les lourdes barrières administratives qui compliquent l’accès à l’avortement légal et sécurisé, et pour élaborer un projet de texte, dans le cadre de la révision de la loi sur l’interruption de grossesse, allant dans le sens d’un élargissement des conditions d’accès à l’IVG afin d’inclure les circonstances socio-économiques et les questions de santé psychologique.
Nous avons également utilisé les réseaux sociaux pour toucher un public plus large. Des sessions Twitter, par exemple, ont été organisées, en particulier lors de journées à thème comme la « Journée de l’avortement sécurisé ». Cela a permis d’aborder des questions cruciales et de montrer les diverses perceptions de l’avortement dans la population, le plus souvent négatives.
Le projet a obtenu des résultats significatifs en termes de transformation des attitudes. Les communautés se montrent plus bienveillantes à l’égard des femmes et des jeunes filles ayant subi un avortement, et les chefs religieux et culturels se sont engagés à ne pas porter de jugement et à en apprendre davantage sur ce qu’il est possible de faire pour déstigmatiser l’avortement.
Le projet a permis d’élaborer un projet de réglementation administrative et un projet de texte de loi sur l’IVG prévoyant d’élargir les conditions d’accès à l’avortement légal et sécurisé.
Il existe désormais un mouvement de militant·e·s pour l’avortement sécurisé qui sensibilise la communauté aux dispositions actuelles en matière d’IVG.
L’accès aux services liés aux droits et à la santé sexuels et reproductifs et au VIH reste le point de départ qui permet d’amener la question de l’IVG.