Comment faire face à la recrudescence des violences basées sur le genre en période de confinement grâce à une hotline

Écrit par Sybil Nkeiruka Nmezi, Generation Initiative for Women and Youth Network (GIWYN), Nigeria

Ce guide a été rédigé en 2020 en réponse à la pandémie de COVID-19.

Certaines des informations ne seront pas aussi pertinentes pour la situation actuelle, mais nous pensons que ce guide offre des conseils utiles aux défenseur·euse·s des DSSR.

Pouvez-vous décrire dans quel contexte de travail vous avez développé vos connaissances en la matière?

En temps normal, notre travail comprend des rencontres en face-à-face avec les victimes de violences basée sur le genre (VBG) pour les conseiller, les orienter et les accompagner vers des institutions de protection. Si besoin, nous trouvons des solutions pour le suivi, le transport, les communications téléphoniques, la prise en charge des enfants et la recherche d’un abri. Tout cela est devenu quasiment impossible pendant le confinement. Les femmes sont plus exposées aux VBG, conséquence directe des bouleversements de la vie quotidienne, mais l’aide est peu ou pas accessible. Notre hotline (Ms Rosy) a pour but principal d’informer sur la santé reproductive et l’avortement sécurisé, mais nous avons réussi à la réorienter et à étendre ses priorités pour répondre aux VBG.

Qu’avez-vous appris sur les défis qui attendent les activistes dans une telle situation?

Au cours du confinement, nous avons dû gérer un afflux d’appels et avons été confronté·e·s à des cas de VBG beaucoup plus fréquents. Parmi les femmes qui nous ont contacté·e·s, 75 % ont fait part d’une expérience de VBG, dont : le viol conjugal, le harcèlement sexuel, le manque d’argent pour les produits essentiels, le déni de vie privée ou des menaces de harcèlement par la police ou par des criminels. Les appels spécifiques aux violences sexuelles ont presque triplé, de 765 par mois (mars 2020) à 2 265 en avril 2020. La fermeture temporaire de notre centre de conseil/orientation pour les victimes de VBG n’explique pas, à elle seule, cette explosion, puisque le centre recevait en moyenne 120 visites par mois. La plupart des appelantes appartiennent à des groupes vulnérables et sont des travailleuses informelles, dont la survie dépend d’un revenu au jour le jour.

Comment avez-vous abordé ces défis – et avec quels résultats?  

Nous avons redirigé la hotline vers des collaborateur·rice·s locaux·ales (en renforçant les effectifs chargés des occurrences de VBG), étendu nos priorités pour intégrer les défis liés au COVID-19, et formé notre personnel confronté aux VBG à la marche à suivre (à la fois en ligne et en personne) : recenser et rapporter les cas, conseiller et orienter les victimes.  Nous suivons avec attention les informations officielles de l’OMS et continuons à appliquer nos protocoles d’opération de la hotline. Pour veiller à la qualité du service et des informations, nous privilégions la collecte de données, l’observation régulière par les responsables et le contrôle par échantillonnage. 

Notre hotline propose:

  • Des conseils et des informations gratuits
  • Une mise en relation avec les pharmacies et centres de santé qui proposent des moyens de contraception et des services d’avortement sécurisé
  • Des informations sur les centres de distribution alimentaire et d’aide financière
  • L’accès à des masques et à du gel désinfectant pour celles et ceux qui n’ont pas les moyens d’en acheter.

La hotline a pour principe de respecter et encourager le libre-arbitre et l’autonomie des appelantes, en leur permettant de décider si elles souhaitent être rappelées et à quel moment. Nous savons que certaines peuvent avoir des craintes quant à leur vie privée et leur sécurité en contactant notre hotline.

Avant la pandémie, nous faisions connaître la hotline essentiellement par des activités de rencontre des communautés, lors de sessions de formation, en redirigeant une personne vers un service adapté, par des tracts et affiches et à l’occasion de différents forums.  En période de confinement, ces moyens ont été exclus : nous nous sommes alors tourné·e·s vers les réseaux sociaux pour promouvoir la hotline par le bais, entre autres, de Facebook, Twitter, de notre site internet, de SMS groupés aux populations locales et de diverses publications en ligne. Grâce au partage de posts entre internautes, notre message a été diffusé plus largement et plus facilement qu’avec les méthodes traditionnelles. Rien que sur Facebook, nous avons reçu 315 530 visiteur·euse·s.

Pourriez-vous nous en dire plus sur les défis qu’ont rencontrés vos activistes au cours de cette période?

  • Nous avons renforcé notre unité VBG en mobilisant davantage de personnel, en sensibilisant à ce sujet et en mettant l’accent sur la formation aux mesures de réponse.
  • Nos partenaires ont privilégié les webinaires et évènements virtuels, ce qui s’est ressenti sur nos coûts de connexion et d’électricité.
  • Le poids accru des obligations domestiques s’est ressenti sur le bien-être psychologique de nos activistes et partenaires. De ce fait, GIWYN envisage d’intégrer la santé psychologique à son travail.
  • Conséquence du confinement, de nombreux partenaires vers lesquels nous redirigions les victimes de VBG ne sont plus en mesure d’intervenir rapidement. Par exemple, l’un d’entre eux nous a fait part du cas d’une femme, blessée par balle par des criminels, qui n’a pas pu être transportée immédiatement à l’hôpital.
  • Un autre partenaire témoigne avoir entendu une femme crier : “Na me cause covid? Na me cause covid? I no go do again.” (« Est-ce que c’est moi qui ai inventé le Covid ? Est-ce que c’est moi ? Je ne veux plus entendre parler de sexe ! »). Elle était harcelée sexuellement par son mari depuis le début du confinement.
  • Si le confinement devait se poursuivre, nous craignons que les pharmacies et magasins se trouvent à court de produits essentiels.

Quelles sont les leçons que vos activistes retiennent de cette expérience?

Dans une situation à risques, pour endiguer les VBG, il est vital de réagir rapidement en adaptant les priorités. A l’avenir, il nous semble indispensable de préparer une stratégie d’urgence afin d’être outillé·e·s face à des situations imprévues comme l’épidémie du coronavirus. La stratégie de notre hotline est une intervention concrète, ancrée dans les communautés, qui encourage l’autonomie décisionnelle des femmes à travers l’information.  Pour répondre aux VBG, il est important de collecter des données et de documenter par écrit les cas recensés. Nous nous constituons une base de témoignages sur les VBG afin d’étayer notre plaidoyer par des preuves factuelles. Les réseaux sociaux et plateformes de réunion virtuelle se révèlent des outils précieux pour poursuivre l’activité en télétravail pendant le confinement.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui serait dans une situation similaire?

  • Vérifiez que les informations données par votre hotline sont de source officielle, et procédez régulièrement à des contrôles par échantillonnage pour maintenir la qualité.
  • Soutenez les demandes et les décisions de l’appelante quant à sa situation et à la nature de l’aide qui lui serait utile.
  • Développez la collaboration et la construction de mouvements pour être en mesure, à l’avenir, de prendre en charge les VBG en période de restriction des déplacements.
  • Encouragez les chefs coutumiers, religieux et traditionnels à prioriser les droits des femmes dans une approche sensible au genre et basée sur les droits humains.
  • Créez des groupes de travail à long terme pour suivre la mise en place de mesures préventives ; assurez-vous que ces politiques prennent en compte la situation des femmes et adoptent une approche sensible à leurs droits.

Avez-vous des photos ou documents qui pourraient aider ou inspirer d’autres organisations confrontées aux mêmes défis ?  Vous pouvez inclure un exemple précis pertinent par rapport à l’objet du Guide.

GIWYN : Protégez-vous pendant votre confinement à domicile.    

Vos activistes ont-ils/elles utilisé des ressources externes qui les ont aidé·e·s à surmonter ce défi et que vous recommanderiez à d’autres ? Si oui, vous pouvez ajouter un lien ci-dessous ou une pièce jointe à votre email de réponse.

Les sources des formations exceptionnelles que nous avons organisées sont :

  • Formations en ligne du centre de formation ONU FEMMES sur la réponse aux VBG
  • Ibis Reproductive Health Team (Equipe Ibis pour la Santé Reproductive)
  • Women Help Women (Entraide entre Femmes)
  • International Women’s Health Coalition Fund (IWHC) (Fonds International de Coalition pour la Santé des Femmes)

  UNESCO :  https://youtu.be/K2bhufg9M0k

Sybil Nkeiruka Nmezi, Generation Initiative for Women and Youth Network (GIWYN), Nigeria

Sybil Nmezi est une militante courageuse et inébranlable pour l’égalité des sexes au Nigeria. Elle est la directrice exécutive de Generation Initiative for Women and Youth Network (GIWYN). Depuis dix-huit ans, elle collecte des fonds pour l’organisation afin de déployer des interventions communautaires concrètes pour défendre les droits humains des femmes, et faire progresser l’accès des femmes et des jeunes filles aux droits et à la santé sexuels et reproductifs (DSSR). Entre autres activités, GIWYN organise des ateliers, des formations de formateur·rice·s, des campagnes, des hotlines d’information et des activités de plaidoyer.

https://giwynn.org/