Comment étendre la couverture des informations et services de SSR pendant le confinement

Écrit par Talent Jumo, Katswe Sistahood, Zimbabwe

Ce guide a été rédigé en 2020 en réponse à la pandémie de COVID-19.

Certaines des informations ne seront pas aussi pertinentes pour la situation actuelle, mais nous pensons que ce guide offre des conseils utiles aux défenseur·euse·s des DSSR.

Pouvez-vous décrire dans quel contexte de travail vous avez développé ces connaissances ?

Le confinement a été décidé précipitamment, sans laisser le temps aux gens de s’organiser pour stocker les fournitures de santé sexuelle et reproductive nécessaires pour la période. Alors que les violences basées sur le genre (VBG) se multipliaient, il était plus difficile aux victimes de trouver de l’aide : la police les renvoyait chez elles pour faire respecter le confinement. Des filles victimes d’abus sexuel au début du confinement n’ont pas eu accès à l’aide immédiate à prendre dans un délai de 72h, dont la contraception d’urgence et les prophylactiques post-exposition en prévention du VIH. D’autres qui avaient besoin d’une décision de justice pour poursuivre l’auteur d’un viol ou pour bénéficier d’une procédure d’avortement légale ont été découragées par des défis insurmontables : les tribunaux étaient fermés alors que les délais légaux continuaient à s’écouler.

Qu’avez-vous appris sur les défis qui attendent les activistes dans une telle situation ?

Le confinement au Zimbabwe a été très strict, sans qu’il n’y ait d’exceptions claires. Pour les militant·e·s qui avaient besoin de garder le contact avec les femmes et les filles des communautés locales, les plateformes numériques via les réseaux sociaux et les portables ont été une bouée de sauvetage. Nous avons reçu des appels de détresse de filles et de femmes qui avaient désespérément besoin de services de planification familiale (PF). Certaines ne pouvaient pas quitter leur domicile pour se rendre au distributeur le plus proche ; d’autres n’en n’avaient tout simplement plus les moyens car le confinement a érodé ou fait disparaître leur source de revenus. Nous savions également qu’un nombre encore plus grand de femmes dans le besoin ne pouvait pas nous contacter, faute de posséder leurs propres moyens de communication comme un téléphone utilisable en toute confidentialité pour parler de ces questions.

Comment avez-vous abordé ces défis – et avec quels résultats ?

Dans certaines localités, les populations vulnérables vivant dans des conditions surpeuplées ont été privées d’accès aux informations et services par le confinement. Nous avons réagi en proposant deux solutions :

Tout d’abord, nous avons formé un front avec d’autres organisations pour faire pression sur le gouvernement afin que les services de SSR soient reconnus comme essentiels, en faisant valoir que la population a toujours besoin de contraception, traitements VIH, etc. Le gouvernement a fini par décréter l’obligation pour les prestataires de services de fournir à leurs patient·e·s VIH trois mois de traitement.

Ensuite, pour les populations les plus pauvres, nous avons étendu notre système de bons d’achat. A travers ce système, nous réglons d’avance des services auprès du prestataire Population Services Zimbabwe (PSZ), puis distribuons gratuitement des bons d’achat aux patient·e·s qui en ont le plus besoin. Au début du confinement, nous nous sommes procuré autant de bons d’achat que possible, grâce à des dons et subventions, pour pouvoir en distribuer suffisamment pendant la durée du confinement.

Nous avions également le sentiment que les informations diffusées par le gouvernement étaient réservées à une élite et ne parvenaient pas jusqu’aux populations les plus vulnérables. Pour y remédier, nous avons travaillé dans les circonstances du moment en couplant une campagne sur la SSR à une campagne de prévention COVID-19. Nous avons pu convaincre le Ministère de l’Education de nous fournir un véhicule de campagne avec un système d’adresse publique (AP) et nous avons développé une campagne d’information itinérante qui a sillonné les zones concernées pendant trois semaines.

La campagne diffusait des messages sur les gestes barrières COVID-19 auxquels nous mêlions des informations sur les aides disponibles pour répondre aux besoins de SSR et aux actes de VBG induits par le confinement. Nous avons peint sur le camion les numéros des hotlines de protection de l’enfance et d’aide aux victimes de viol ou VBG, et avons diffusé des messages expliquant comment trouver de l’aide et même des solutions de transport en cas de besoin.  

Quelles sont les leçons de cette expérience pour vos activistes ?

Le principal défi que nous rencontrons, surtout en ce moment, c’est la pauvreté. Les personnes qui en avaient les moyens ont fait des réserves, mais celles et ceux qui n’avaient pas d’argent n’ont pas pu le faire.

Par ailleurs, les informations sanitaires et les aides gouvernementales ne parviennent pas toujours jusqu’aux plus vulnérables, qui n’ont pas de téléphone et n’ont pas les moyens d’anticiper leurs besoins en faisant des réserves.

Nous avons découvert de nouvelles façons de travailler très efficaces que nous allons essayer de poursuivre, par exemple le partenariat avec Population Services Zimbabwe, pour coordonner les services itinérants et statiques.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui serait dans une situation similaire ?

  • Les partenariats sont incontournables pour proposer des actions efficaces de planification familiale en temps de crise. Ils nous ont permis de toucher un plus grand nombre de bénéficiaires, avec davantage de mobilité, pour diffuser massivement nos messages de PF et réaliser un marketing efficace, au sein des mécanismes de réponse d’urgence au COVID-19.
  • Il est essentiel d’intégrer les nouvelles technologies aux activités de communication et d’approche des bénéficiaires. Grâce aux plateformes numériques, nous avons pu agir sans interruption pour faciliter l’accès des femmes à des services de SSR, dont la prévention des grossesses non désirées et des services urgents comme les soins post-avortement.

Talent Jumo, Katswe Sistahood, Zimbabwe

Talent Jumo était initialement une enseignante particulièrement intéressée par les femmes et la santé. En 2005, elle devient la Référente Genre du Programme VIH du Groupe de Travail Communautaire pour la Santé, avant de cofonder en 2007 Young Women’s Leadership Initiative (« Initiative pour le Leadership des Jeunes Femmes »), qui deviendra par la suite Katswe Sistahood. A la tête de Katswe Sistahood depuis 2012, Talent s’engage pour promouvoir les droits des femmes et les familiariser avec la santé sexuelle et reproductive. Elle est également membre de Women for the Global Fund (Femmes pour le Fonds Mondial).

Site de web de Katswe Sistahood