Écrit par Suad Abdi, Activiste SDSR
Aujourd’hui au Somaliland, très peu de communautés voient les VSBG comme un enjeu prioritaire. Par ailleurs, les relations entre les organisations de la société civile (OSC) et les communautés qu’elles représentent et qu’elles disent protéger sont très distendues. La plupart des Organisations Non Gouvernementales Internationales (ONGI) et des OSC locales opèrent selon une approche de projet, ce qui veut dire qu’elles s’introduisent auprès d’une communauté pour y déployer un projet et partent au terme de celui-ci. Cette façon de faire a des effets délétères sur la confiance entre les OSC et les communautés, qui ont le sentiment que leurs besoins à long terme ne sont pas pris en compte. Les OSC pourraient faire mieux en écoutant les communautés et en allant dans le sens de ce dont chacune a besoin. En outre, certain·e·s déplorent que les évènements/ateliers organisés dans les zones urbaines aient rarement des effets durables sur l’ensemble de la société.
La fragilité des liens entre les OSC et les communautés signifie que les militant·e·s ne sont pas toujours informé·e·s par les habitant·e·s de la situation des VSBG dans leur communauté. Une autre conséquence est que les OSC manquent de légitimité locale aux yeux des décisionnaires politiques. Par ailleurs, lorsque les OSC sont attaquées par d’autres acteurs sociaux (par exemple, les dignitaires religieux), elles ne peuvent pas compter sur le soutien de la communauté. Conséquence de tout cela, les OSC se retrouvent souvent isolées et exposées.
Certaines OSC ont introduit des animateur·rice·s locaux·ales ou des mobilisateur·rice·s pour créer un lien entre l’organisation et la communauté. Ils et elles ont été formé·e·s aux VSBG et aux droits humains pour pouvoir à leur tour sensibiliser au sein de leur communauté respective, notamment les dignitaires.
Certaines OSC ont également introduit une approche intégrée du développement pour aborder les questions de VSBG, dont les mutilations génitales féminines (MGF). Par exemple, là où les OSC proposaient déjà des activités génératrices de revenus, des cours pour enfants/adultes ou des initiatives environnementales, elles ont entrepris de parler des VSBG et des MGF à cette occasion.
Changer les attitudes sociales et les croyances nécessite des efforts concertés et de long terme. La précédente approche de la relation avec les communautés n’était pas durable, parce que les liens qui avaient pu être tissés se rompaient généralement à la fin du projet.
Seule une présence continue auprès des communautés, avec ou sans projets, pourra les rapprocher des OSC en créant un véritable partenariat, plus fort et mutuellement bénéfique en travaillant de concert. Par exemple, si la loi du Somaliland sur les délits à caractère sexuel avait eu le soutien des communautés, les OCS auraient certainement pu résister à l’opposition des milieux religieux, qui étaient vent debout contre cette loi et contre les organisations qui l’avaient portée. En l’état, les OSC n’ont pas pu faire front et la loi a finalement été abrogée.
Suad Abdi est une actrice de terrain du développement, forte de plus de 24 ans d’expérience : ses domaines de prédilection sont le renforcement de capacités de la société civile, le plaidoyer pour les droits des femmes,notamment sous l’angle de leur pouvoir décisionnaire, et les violences sexuelles et basées sur le genre (VSBG). Dès le début de sa carrière auprès d’organisations pour les droits des femmes, Suad a eu pour mission d’analyser les bonnes et mauvaises pratiques de plaidoyer pour la prévention des violences basées sur le genre (VBG) au Somaliland. Elle a également lancé la programmation de soutien juridique aux victimes et survivantes de VSBG.
Suad est une chercheuse confirmée avec, à son actif, plusieurs travaux publiés sur le genre, les VSBG, la décentralisation et les acteurs non étatiques au Somaliland.