Écrit par Sunungurai Dominica Chingarande, Activiste SDSR
Avant novembre 2017, le plaidoyer pour l’avortement sécurisé au Zimbabwe était un exercice délicat, avec des marges de manœuvre limitées, en face d’une société intrinsèquement conservatrice et religieuse et d’une stigmatisation profonde autour de cette question. La plupart des gens étaient convaincus que l’avortement était illégal, alors qu’en réalité il est légal, quand il s’inscrit dans des circonstances et cas spécifiés par la Loi sur l’Interruption de Grossesse : comme le viol, l’inceste, ou dans le cas où il y’a risque sur la vie de la mère ou de l’enfant. Ces restrictions, auxquelles s’ajoutaient d’inévitables complications administratives entravant l’accès à un avortement sécurisé, sont responsables d’une multitude d’avortements à risques dans le pays. Pour faire évoluer la situation, un grand nombre d’organisations diverses de la société civile (OSC) se sont emparées de la question de l’avortement sécurisé au Zimbabwe, et de nombreuses coalitions ont vu le jour.
Les défis ne manquent pas dans une telle situation. L’élection était inattendue (elle a fait suite au départ inopiné de Mugabe) ; et faute d’une coopération suffisante ainsi que par manque de cohérence dans les messages utilisés, les OSC n’étaient pas prêtes à saisir les opportunités stratégiques qui se sont présentées. Elles ont laissé échapper des occasions uniques d’influencer les décideurs politiques, qui faute de recevoir des demandes bien formulées et claires, ont manqué de se saisir des arguments et priorités du mouvement de plaidoyer pour l’avortement sécurisé. Par ailleurs, de nombreu·se·s parlementaires progressistes ont perdu leurs sièges lors de cette élection, et les OSC, qui avaient tissé des liens uniquement avec les représentants politiques, ont dû s’atteler encore une fois à forger de nouvelles alliances impliquant cette fois-ci les hauts fonctionnaires et les techniciens supérieurs au sein des Ministères.
Au cours de la période électorale, nous n’avons pas eu suffisamment du temps pour gérer efficacement ces difficultés. Mais après cette élection, les OSC se sont penchées sur les causes de l’échec de leur plaidoyer électoral à la suite de quoi, elles ont décidé d’entrer en contact directement avec le Président élu pour lui présenter les propos et objectifs de leur plaidoyer et garantir son support en respect de ses engagements électoraux – avec une réaction positive de la part du Président. Les OSC ont également visé les nouveaux·elles parlementaires, les membres clé des comités parlementaires et les hauts fonctionnaires ministérielles, avec lesquels elles ont rapidement établi des relations de travail pour rattraper le temps perdu.
Sunungurai Dominica Chingarande, professeure de sociologie et chercheuse très active autour des enjeux du genre et des questions d’émancipation et droits des femmes, dont les droits et la santé sexuels et reproductifs. Elle est l’autrice de plusieurs publications dont un chapitre sur le mouvement féministe et les luttes pour la terre au Zimbabwe, qui retrace l’émergence d’un mouvement mené par des femmes autour des questions foncières dans le pays. Elle a également rédigé un manuel de formation sur les corrélations entre culture, genre, droits des femmes et VIH/Sida, qui s’intéresse au développement du plaidoyer dans des contextes culturels hautement sensibles.
Site Web de l’Université du Zimbabwe