Écrit par Sunungurai Dominica Chingarande, Activiste SDSR
Avant novembre 2017, plaider pour l’avortement sécurisé au Zimbabwe était un véritable défi face à une société foncièrement conservatrice et religieuse, et à une stigmatisation féroce autour de cette question. La plupart des gens étaient également persuadés que l’avortement était illégal. Or, il est légal, mais uniquement dans les cas prévus par la loi sur l’interruption de grossesse : viol, inceste, ou risque pour la vie de la mère ou de l’enfant. Ces restrictions sévères, auxquelles s’ajoutent d’inévitables complications administratives pour pouvoir pratiquer un avortement sécurisé, sont responsables d’une multitude d’avortements à risques dans le pays. Pour faire évoluer la situation, un grand nombre d’organisations diverses de la société civile (OSC) se sont emparées de la question de l’avortement sécurisé au Zimbabwe, et de nombreuses coalitions ont vu le jour.
Malgré les gestes de soutien de la communauté internationale et de certaines communautés au sein du pays, l’espace de discussion autour de l’avortement était si étriqué que les activistes avaient les plus grandes peines à faire progresser leur cause. Les choses ont changé au départ de Mugabe.
Bien que la diversité des OSC et de leur expertise soit un atout à bien des égards, elle peut aussi se révéler contreproductive lorsqu’il s’agit de s’accorder sur des objectifs communs, sur les messages à utiliser, ou sur une stratégie coordonnée pour influencer les décisionnaires. La coordination des activités et des informations s’est ainsi régulièrement heurtée à la multiplicité des coalitions autour de l’avortement sécurisé, chacune avec ses propres priorités et stratégies (souvent liées aux financements).
Au départ de Mugabe, les OSC se sont emparées de l’occasion d’avoir des discussions plus ouvertes au niveau politique comme au niveau des communautés locales. Mais leurs objectifs et approches trop disparates les ont desservies : lors des élections de 2018, plusieurs opportunités rares de faire pression sur les décisionnaires ont été perdues par manque de coordination dans les messages et les activités.
Cet échec a permis aux OSC d’ouvrir les yeux sur le chemin restant à parcourir pour concrétiser le droit à l’avortement sécurisé –et sur l’importance de s’atteler sérieusement à la coordination pour pouvoir former un véritable mouvement capable de présenter des messages unifiés et épurés. Les OSC ont su tirer les leçons de cette expérience et, tout conservant chacune leur perspective de plaidoyer, elles sont parvenues à un consensus pour prioriser l’élargissement des cas où l’avortement est autorisé dans la loi sur l’interruption de grossesse. Cet objectif commun est désormais devenu le point de ralliement du mouvement pour l’avortement sécurisé dans le pays. Il reste un gros travail à accomplir, le gouvernement montrant peu d’empressement à réviser la loi depuis que les élections sont derrière lui. Mais avec un mouvement plus fort et plus uni, les OSC sont en bien meilleure posture pour faire bouger la situation.
Ils et elles ont appris que pour espérer influencer des décideur·euse·s politiques à l’agenda bien rempli, les points suivants sont la clé :
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Sunungurai Dominica Chingarande, professeure de sociologie et chercheuse très active autour des enjeux du genre et des questions d’émancipation et droits des femmes, dont les droits et la santé sexuels et reproductifs. Elle est l’autrice de plusieurs publications dont un chapitre sur le mouvement féministe et les luttes pour la terre au Zimbabwe, qui retrace l’émergence d’un mouvement mené par des femmes autour des questions foncières dans le pays. Elle a également rédigé un manuel de formation sur les corrélations entre culture, genre, droits des femmes et VIH/Sida, qui s’intéresse au développement du plaidoyer dans des contextes culturels hautement sensibles.
Site Web de l’Université du Zimbabwe