Écrit par Rommy Mom, Président de Lawyers Alert au Nigéria
Certaines des informations ne seront pas aussi pertinentes pour la situation actuelle, mais nous pensons que ce guide offre des conseils utiles aux défenseur·euse·s des DSSR.
Les violences basées sur le genre, en particulier les violences domestiques, ont grimpé en flèche pendant la durée du confinement où les tensions familiales étaient exacerbées par l’enfermement et les difficultés économiques. Rien que sur notre hotline, nous avons observé au cours de cette période une hausse de 52 % du nombre d’appels pour des faits de violence. Or, du fait du confinement, nos avocat·e·s pouvaient difficilement se rendre auprès des victimes pour les aider à porter plainte. Nous avons également constaté que les dépôts de plainte auprès de la police pour des faits de violence domestique étaient rarement suivis d’effets, les forces de police étant en grande partie mobilisées pour faire respecter les règles de confinement.
Les avancées marginales en matière de droits des LGBTI que nous avions obtenues, aux côtés d’autres organisations de la société civile, au cours des dernières années, se trouvent menacées.
C’est particulièrement visible en ce qui concerne la tolérance et l’acceptation sociale au sein des communautés. Par exemple, nous avons reçu un nombre croissant d’appels nous alertant sur des évictions ou des faits de chantage envers des minorités sexuelles. Nos données recensant les violations de droits à l’encontre des hommes homosexuels font état d’une hausse de 70 % depuis le début du confinement. C’est d’autant plus alarmant qu’avant le confinement, cette diversité semblait progressivement passer dans les mœurs et que la tolérance gagnait du terrain. Les défis à surmonter maintenant et pour l’après-COVID-19 sont innombrables. Dans l’immédiat, notre plan d’action consiste à agir au niveau des « points chauds » et à ne pas laisser sans réponse les injustices naissantes.
Notre approche a consisté à exploiter les leviers et les relations que nous avons construits et à axer nos efforts sur les solutions les plus efficaces.
Tout d’abord, il nous fallait nous rapprocher des personnes ayant besoin d’une assistance juridique, et donc pouvoir nous déplacer pour prendre en charge les dossiers malgré le confinement.
Nous avions de bonnes relations avec la Commission des Services de Police, donc, au lieu de négocier avec la police locale, nous nous sommes adressé·e·s directement aux haut·e·s gradé·e·s de la Commission et avons plaidé avec succès, sur la base des droits humains, que les services juridiques devraient être catégorisés comme essentiels puisqu’ils sont nécessaires à la fois aux populations et aux intervenant·e·s de première ligne.
A ce moment-là, seul un tribunal par Etat continuait à fonctionner, uniquement pour les « affaires urgentes » – essentiellement des infractions à la règlementation COVID-19. Nous avons plaidé, déclaration sous serment à l’appui, pour faire reconnaître le même degré de priorité aux violations des droits humains. Des tribunaux itinérants ont alors été mis en place pour les affaires COVID-19, ce qui a permis de libérer les instances régulières pour connaître des violations de droits humains.
Lorsque nous avons eu accès aux tribunaux, pour maximiser les chances de succès de nos client·e·s, nous avons mis en avant les enjeux de droits humains inhérents aux abus commis à la faveur du COVID-19, et avons systématisé cette perspective pour répondre aux crimes haineux envers la communauté LGBTI. Par exemple, en contestant l’éviction d’un homme gay, nous avons invoqué le droit au logement et les règles de forme (préavis etc.) pour orienter les débats dans une perspective non liée à la sexualité de la victime. Ainsi, nous avons fait en sorte de centrer l’affaire sur la question des droits humains et d’éviter que des arguments d’autre nature ne soient soulevés contre la victime.
Pour venir en aide au plus grand nombre possible de personnes, nous avons collecté des informations sur les violations de DSSR auprès d’organisations de la société civile (OSC) partenaires gérant des hotlines et auprès de différentes institutions, dont les immams et pasteurs locaux, à qui les victimes sont susceptibles de s’adresser.
Comme détaillé ci-dessus, à chaque étape nous avons lancé une réflexion créative et avons identifié la façon la plus efficace de défendre les droits de nos client· e·s, qu’elle soit la plus évidente ou non. Les réseaux et canaux de communication que nous avions tissés avec nos groupes cibles se sont avérés inestimables. Sans ces contacts – formels et informels -, nous aurions été dans l’incapacité de leur porter assistance pendant le confinement.
Rommy Mom, Président de Lawyers Alert au Nigéria, est avocat et expert en développement international, fort d’une solide expérience de la gestion de programmes axés sur les droits humains. Il travaille avec des organisations de la société civile à l’échelle nationale pour renforcer leurs capacités, encourager la participation civique, développer les capacités de plaidoyer et recenser les violations des droits humains. Titulaire d’une Licence en Droit avec mention, d’un diplôme d’avocat et d’un Master en Etudes du Développement, il représente la société civile au sein du Comité Présidentiel des Droits Humains et a présidé l’Association du Barreau du Nigéria.
https://www.lawyersalertng.org/