Promouvoir les droits et la santé sexuels et reproductifs des femmes et des filles vivant avec un handicap

Ce blog a été écrit par Safia Nalule Juuko : Activiste pour les droits des personnes en situation de handicap, parlementaire ougandaise, fondatrice et membre du CA de HU-RIWD Ouganda – une organisation qui fait campagne pour affirmer les droits fondamentaux des femmes et des filles vivant avec un handicap. Membre fondatrice d’AmplifyChange sous son nouveau statut d’organisation à but non lucratif soutenant le plaidoyer de la société civile pour les droits et la santé sexuels et reproductifs (DSSR).

Cette année, la Journée Internationale des Personnes en situation de Handicap survient à un moment où la COVID-19 a exposé de façon flagrante les défis et les ruptures d’égalité qui sont le lot quotidien de ces personnes. Cette journée sera centrée sur les formes de handicap les moins visibles, à un mo-ment opportun et important pour attirer l’attention sur des handicaps tels que les troubles mentaux, les déficiences auditives ou visuelles et les troubles de l’apprentissage, qui pèsent si lourd sur la vie des personnes qui en souffrent. Nous avons vu l’incidence grandissante des troubles mentaux et des violences basées sur le genre pendant la pandémie de la COVID-19. Les restrictions im-posées pour contenir le virus ont notoirement accru l’isolement dont souf-frent les personnes en situation de handicap. La COVID-19 a exacerbé les dif-ficultés d’accès aux soins et aux services pour ces personnes, en soulignant l’échec persistant des sociétés à garantir et protéger leurs droits fondamen-taux.

Dans son Rapport Mondial sur la Santé consacré au handicap, paru il y a presque 10 ans, l’OMS indiquait qu’environ 15 % de la population mondiale – plus d’un milliard de personnes – vit avec un handicap, dont 450 millions de personnes souffrant de troubles mentaux. Nul doute que ces chiffres ont empiré dans le sillage de la COVID-19. Le handicap reste le parent pauvre des priorités des services sociaux et sanitaires dans de nombreux pays. C’est un sujet largement négligé lors de la définition des priorités, de la planification et budgétisation dans le secteur de la santé, en dépit de l’obligation faite aux Etats de promouvoir l’exercice intégral des droits et libertés fondamentaux pour les personnes en situation de handicap, en vertu de la Convention de l’ONU relative aux Droits des Personnes Handicapées. Il nous revient, en tant qu’activistes, de militer avec conviction et fermeté pour faire changer les choses si nous voulons que les personnes vivant avec un handicap puissent un jour jouir pleinement de leurs droits.

Les DSSR sont un aspect central de l’exclusion des personnes en situation de handicap : même avant l’urgence sanitaire induite par la pandémie, nombre d’entre elles n’avaient aucun moyen d’exercer leurs DSSR. Une situation due à de multiples raisons, dont les obstacles physiques qui empêchent l’accès aux services, le manque de services et d’informations adaptés, ou encore la stigmatisation et la discrimination. Les jeunes et les femmes en situation de handicap sont particulièrement exposé·e·s au déni d’accès à une éducation complète à la sexualité ou à des solutions non dégradantes d’hygiène menstruelle. Le confinement et les fermetures liés à la COVID-19 auront aggravé la situation. Les professionnel·le·s de santé elles-mêmes et eux-mêmes manquent souvent des compétences et des informations nécessaires pour répondre aux besoins des personnes en situation de handicap, souvent mal compris. Le problème est particulièrement flagrant dans le domaine des DSSR, où la stigmatisation et la discrimination qui visent les personnes handicapées aboutissent à la négation d’un aspect fondamental de leurs droits et de leur épanouissement personnel.

En tant que membre du Conseil d’Administration de HURIWD en Ouganda – une organisation à base communautaire dirigée par des femmes en situation de handicap -, je suis fière de notre travail indépendant auprès de professionnel·le·s de santé pour définir comment les services de DSSR pourraient être mieux adaptés aux besoins des femmes et des filles souffrant d’un handicap. Le manque d’informations sur le vécu et les besoins de ces femmes est un obstacle majeur à la conception de politiques et de services plus inclusifs, tout comme le manque de données sur l’efficacité comparée des moyens possibles de supprimer les obstacles à l’inclusion.

Pour porter cet enjeu à l’attention des décisionnaires politiques et des prestataires de santé, il est vital d’obtenir des informations fiables sur les besoins de DSSR des personnes en situation de handicap et la disponibilité des services censés y répondre. Notre approche a donc consisté à collecter des données susceptibles de pousser les responsables à agir – en dressant le bilan de la situation au niveau des districts, pour identifier les lacunes et donner aux décisionnaires une vision claire des besoins en termes de ressources et de réponses à apporter. Cela me permet aussi, en tant que parlementaire, de réunir les informations dont j’ai besoin pour appeler à l’action et garder sous le feu des projecteurs la question de l’égalité des genres et du handicap, afin que ces enjeux soient dûment reflétés dans les politiques, la planification et les budgets.

Je suis également fière d’être une membre fondatrice d’AmplifyChange sous son nouveau statut d’organisation indépendante à but non lucratif, qui soutient le plaidoyer de la société civile sur tous les aspects des DSSR. Je suis ravie de voir qu’AmplifyChange soutient et continuera à soutenir le plaidoyer pour revendiquer et garantir les DSSR, en ménageant leur juste place aux populations les plus vulnérables et marginalisées et à des groupes qui travaillent avec des formes diverses de handicap. AmplifyChange répond aux besoins identifiés et aux actions demandées par des groupes directement dirigés par des personnes en situation de handicap. Son approche actuelle pour articuler les DSSR et les droits des personnes vivant avec un handicap est résumée dans une analyse du portefeuille. L’investissement d’AmplifyChange dans des organisations de personnes en situation de handicap a presque triplé depuis 2018. Plus de 10 % de l’ensemble des subventions distribuées sont spécifiquement centrées sur l’amélioration des DSSR des personnes en situation de handicap. A mon sens, cette demande croissante de soutien au plaidoyer témoigne de l’émergence, au sein de la société civile, d’un véritable mouvement pour les droits des personnes vivant avec un handicap, impulsé par ces personnes elles-mêmes.

Au cours de cette année marquée par la pandémie, AmplifyChange a rapidement réagi pour atténuer l’impact de la COVID sur le travail des organisations qu’elle soutient. A travers sa plateforme AmplifyChange Learn, elle partage des lignes directrices et des retours d’expérience qui aident ces organisations à adapter leur travail à la crise sanitaire, tout en fournissant ou référençant des ressources utiles aux groupes qui travaillent auprès de populations vulnérables et marginalisées face à la COVID-19. AmplifyChange encourage ses organisations bénéficiaires à faire connaître l’impact de la COVID-19 et à répondre aux défis qui en résultent pour les personnes en situation de handicap, qui risqueraient sans cela d’être oubliées des efforts globaux de gestion de la pandémie. Notre objectif ultime, bien sûr, doit être de faire en sorte que cette attention portée au handicap ne soit pas éphémère. Elle doit devenir une partie intégrante et fondamentale de chaque effort pour améliorer les droits et la santé des populations.